Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/306

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pas de même ? Il est vrai que ces hommes avaient été les victimes de ce qu’on appelle des tyrans ; mais d’autres encore avaient été dépouillés par les masses. Les gros mots ne changeraient rien à l’affaire. Aucun homme n’a jamais été plus libre, parce qu’il se vantait de son indépendance, et je n’en étais pas à apprendre que lorsque les majorités vous font injure, les votes sont d’une nature intolérable. D’habitude, cependant, elles ne sont pas disposées à cette sorte de crime ; mais les hommes en masse ne sont pas plus infaillibles que les individus. Ce fut au milieu de ces réflexions philosophiques que je m’endormis.

Je fus éveillé le lendemain matin par John, qui se tint debout auprès de mon lit, après avoir ouvert les volets.

— Je vous déclare, monsieur Hughes, dit-il, que je ne sais pas ce qui arrivera encore à Ravensnest, maintenant que le méchant esprit a pris le dessus parmi les habitants !

— Bah, bah, John, ce que vous appelez le méchant esprit n’est que l’esprit des institutions, qui doit être honoré au lieu d’être critiqué.

— Eh bien ! Monsieur, je ne sais pas comment ils l’appellent, car ils parlent si souvent des institutions dans ce pays, que je ne sais plus où elles se trouvent. Il y avait une institution près de l’endroit où je demeurais dans le West-End à Londres, et là, on enseignait aux jeunes gens à parler grec et latin. Mais les institutions en Amérique, doivent signifier autre chose car des gens qui ne savent pas plus de latin que moi, semblent parfaitement au courant des institutions américaines. Mais voudriez-vous croire, monsieur Hughes, pourriez-vous croire que le peuple a commis un parricide hier soir !

— Je n’en serais pas surpris ; car selon moi, ils sont disposés au matricide, si l’on appelle la patrie leur mère.

— C’est effrayant, Monsieur, c’est vraiment effrayant, que tout un peuple commette un crime tel que le parricide ! Je savais que vous seriez stupéfait de l’apprendre, monsieur Hughes, et c’est pour cela que je suis venu vous le raconter.

— Je vous suis infiniment obligé de cette attention mon bon garçon, et je le serai davantage, lorsque vous me direz ce dont il s’agit.

— Très-votontiers, Monsieur, et très à regret aussi. Mais il n’y a plus à cacher le fait ; il est à bas, monsieur Hughes !