Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/324

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de la maison qui pouvaient s’abstenir des occupations ordinaires. L’Indien et le nègre étaient tous deux assis, et des chaises ayant été apportées pour tous les membres de la famille, nous prîmes nos places auprès d’eux, mais assez en arrière pour ne gêner en aucune façon.

Les Indiens des prairies s’avancèrent selon leur habitude sur un seul homme de file. Mille-Langues marchait en tête, suivi par Feu-de-la-Prairie ; Cœur-de-Pierre et Vol-d’Aigle venaient ensuite, et les autres suivaient dans un ordre parfait. À notre grande surprise, toutefois, ils amenaient avec eux les deux prisonniers, attachés avec une habileté sauvage, de manière à rendre toute évasion impossible.

Il est inutile d’insister sur l’attitude de ces étrangers quand ils prirent leurs places sur les bancs, tout se passant absolument de même qu’à leur première visite. Le même intérêt cependant se trahissait dans leurs manières, et leur curiosité et leur respect ne semblaient pas le moins du monde diminués, quoiqu’ils eussent passé un ou deux jours dans le voisinage immédiat de l’homme qu’ils honoraient. Ces sentiments leur étaient inspirés sans doute, en grande partie, par la gravité et l’expérience étendue de Sans-Traces ; mais je ne pouvais m’ôter de l’idée qu’il y avait encore derrière cela quelque chose d’inusité que la tradition rendait familier à ces enfants du sol, et que nous ne pouvions pas saisir.

Le sauvage américain a un grand avantage sur l’homme civilisé des mêmes contrées. Les traditions sont ordinairement vraies, tandis que les moyens multipliés que nous avons de transmettre les événements ont engagé une si grande multitude de prétendants à se ranger parmi les sages et les savants, qu’il est trois fois heureux celui dont l’esprit échappe à la contagion des faussetés et des préjugés. Les hommes devraient se souvenir plus souvent que les facilités mêmes qui existent pour faire circuler la vérité sont autant de facilités pour faire circuler le mensonge ; et que celui qui croit la moitié de ce qu’il lit dans le récit des événements passés, est aussi disposé à apporter tout autant de crédulité lorsqu’il s’agit de faits qui n’ont jamais existé ou qui ont été tellement mutilés que les témoins oculaires seraient les derniers à les reconnaître. Le silence habituel succéda à l’arrivée des visiteurs ; puis, Vol-