Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/336

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ils furent à environ cinquante pas, ils cessèrent d’avancer, se bornant à piétiner avec fracas dans l’espoir de nous faire fuir. Je pensai que le moment était favorable pour accomplir, ainsi que nous en étions convenus mon oncle et moi, une démarche qui appartenait au propriétaire de la terre ainsi envahie par ces hommes sans principes. M’avançant sur le front du portique, je demandai par un signe un moment d’attention. Le piétinement cessa aussitôt, et il se fit un profond silence.

— Vous me connaissez tous, dis-je avec calme et aussi avec fermeté, et vous savez par conséquent que je suis le propriétaire de cette maison et de ces terres. Comme tel, j’ordonne à tous et à chacun de vous de quitter cet endroit, et de vous retirer sur la grande route ou sur la propriété d’une autre personne. Tout individu qui restera après cet avertissement sera considéré comme un perturbateur de la paix publique, et en subira les conséquences aux yeux de la loi.

J’articulai ces paroles assez haut et assez distinctement pour être entendu de tous, et je ne puis prétendre avoir obtenu un grand succès. Les masques de calicot se tournèrent l’un vers l’autre, et il y eut une apparence de commotion ; mais les meneurs ranimèrent la multitude, la toute-puissante multitude, en cette occasion comme en beaucoup d’autres. La souveraineté de la masse est une excellente chose en principe, et une fois par hasard en pratique. Dans un certain sens elle fait du bien en mettant un frein à une foule d’abus les plus odieux et les plus intolérables ; mais pour les pratiques quotidiennes de la politique, leurs majestés impériales les souverains de l’Amérique, dont je fais partie, ont aussi peu de part aux mesures qu’ils semblent demander et soutenir que le nabab d’Oude.

Il en fut ainsi de la décision de la foule armée et déguisée dans l’occasion actuelle. Il lui fallut consulter ses chefs pour savoir ce qu’elle avait à faire, et alors il fut résolu qu’on ne répondrait à mon avertissement que par des clameurs de mépris. Le cri fut passablement général et eut un bon effet, celui de persuader aux Indgiens qu’ils avaient clairement démontré leur mépris pour mon autorité, ce qu’ils considéraient comme une victoire suffisante pour le moment ; néanmoins la démonstration ne s’arrêta pas là, il s’ensuivit un court dialogue qu’il n’est pas sans intérêt de rapporter.