Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/34

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— Et c’est précisément parce que cette absurdité n’existe pas en ce qui te concerne, que ta place est enviée. Personne n’envie l’absurdité. Tu m’avoueras toutefois, Hughes, qu’une église et un cimetière sont les derniers endroits où l’on devrait faire étalage des distinctions humaines. Tous les hommes sont égaux devant celui que nous adorons, et tous sont égaux dans la tombe. J’ai toujours été ennemi de toute distinction mondaine dans une congrégation.

— Je conviens avec vous, Monsieur, de l’inconvenance des distinctions dans une église, et je suis par conséquent fort disposé à me débarrasser du baldaquin, car je ne vois pas en quoi il se rapporte avec la question des rentes ou de nos droits légitimes.

— Lorsqu’une cause est mauvaise, on y entasse tous les arguments qui peuvent dérouter la logique. Ainsi, le dais au dessus de ton banc est appelé un signe d’aristocratie, quoiqu’il ne confère aucun pouvoir politique ; on dit qu’il est une patente de noblesse, quoiqu’il n’en donne ni n’en ôte, et on l’a en horreur, et toi avec, simplement parce que tu peux t’asseoir dessous sans être ridicule. Mais en voilà assez sur ce sujet ; nous aurons chez nous à nous en occuper plus que nous ne voudrions. Parmi mes lettres, j’en ai reçu de chacune de mes pupilles.

— Grande nouvelle, assurément, Monsieur, répondis-je en riant. J’espère que la vive miss Henriette Coldbrooke et la douce miss Anne Marston, sont en parfaite santé.

— Toutes deux vont bien, et toutes deux écrivent à ravir. Il faut vraiment que tu voies la lettre d’Henriette, car je trouve qu’elle lui fait honneur. Je cours la chercher, dans ma chambre.

Je dois actuellement initier le lecteur à un secret qui a quelque connexité avec ce qui doit suivre. Avant mon départ d’Amérique, on m’avait vivement relancé pour m’engager à épouser l’une ou l’autre parmi trois demoiselles, savoir : Henriette Coldbrooke, Anne Marston, et Opportunité Newcome. Les avances en ce qui concernait les deux premières avaient été faites par mon oncle Ro, qui, comme tuteur, avait un intérêt naturel à ce qu’elles fussent convenablement pourvues ; quant à mademoiselle Opportunité Newcome, les avances venaient d’elle-même. Les choses étant ainsi, il est bon que je fasse connaître ces demoiselles.

Mademoiselle Henriette Coldbrooke était la fille d’un Anglais de bonne famille et de quelque fortune, qui avait émigré en Améri-