Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/35

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que, sous l’influence de théories politiques qui le portaient à croire que ce pays était la terre promise. Je me le rappelle comme un veuf assez maussade, qui compromettait sa fortune en placements aventureux, et qui était devenu tellement anglais dans ses goûts et ses regrets que la terre promise s’était changée pour lui en terre de perdition. Il mourut, cependant, assez à temps pour laisser à sa fille unique une belle propriété, qui fructifia grandement sous l’excellente direction de mon oncle, et donnait un produit annuel net de huit mille dollars. Cette fortune faisait de miss Henriette un parti fort désirable mais ayant dans ma grand’mère une prudente amie, elle n’avait pas encore épousé un mendiant. Je savais que mon oncle Ro, avec toute la discrétion toutefois qui le caractérise, lui avait, dans ses lettres, fait certaines insinuations sur moi ; et ma bonne grand’mère m’avait, dans sa correspondance, fait soupçonner que ces insinuations avaient éveillé dans le sein de la jeune personne un intérêt que je considérais comme une simple marque de curiosité.

Mademoiselle Anne Marston était aussi une héritière, mais sur une moindre échelle. Elle avait un revenu d’environ trois mille dollars, et un petit capital de seize mille, produit des économies annuelles. Elle n’était pas, cependant, enfant unique, mais avait deux frères dont chacun avait reçu une fortune égale à celle de la sœur, et dont chacun, ainsi que cela n’est pas rare chez les héritiers des négociants de New-York, était en bon train de dissiper dans les plaisirs sa part d’héritage. Quant à miss Anna, sa mère l’élevait avec un soin intelligent, et tout le monde me représentait ta jeune personne comme jolie, spirituelle et sage.

Mademoiselle Opportunité Newcome était une belle de Ravensnest, village situé sur ma propriété ; elle avait une beauté rustique, une éducation, des goûts et des manières rustiques. Comme Ravensnest n’était pas particulièrement avancé en civilisation, ou, pour me servir du langage ordinaire dans le pays, « un endroit aristocratique » je ne m’appesantirai pas sur les mérites de mademoiselle Opportunité, qui pouvaient figurer assez passablement à Ravensnest, mais pourraient bien ne pas paraître aussi brillants dans mon manuscrit.

Opportunité était fille d’Ovide, qui est fils de Jason, de la maison de Newcome. En me servant du terme « maison » je le fais à dessein car la famille avait de père en fils conservé la même résidence