Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/354

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corps entier de ces vertueux citoyens qui cachaient leur honte sous des masques de calicot, se mit en retraite, d’abord avec quelque ordre, puis avec tous les symptômes de l’épouvante, jusqu’à ce que leur mouvement dégénéra en une véritable fuite. Le fait est que les hommes de Dunning commençaient à se montrer aux fenêtres, armés de leurs fusils dont ils menaçaient les rebelles, qui se croyaient déjà foudroyés par des ennemis invisibles.

Bientôt le dernier d’entre eux disparut, et nous eûmes le loisir de nous occuper des Indiens. Ces guerriers contemplaient avec un silencieux mépris ceux qui avaient cherché à imiter leurs manières et Feu-de-la-Prairie qui parlait un peu anglais, me dit avec emphase : — Pauvre Indien, pauvre tribu, se sauvent au bruit qu’ils font eux-mêmes. Voilà toutes les paroles que les hommes de la prairie daignèrent faire entendre sur le compte de ces perturbateurs de la paix publique, ces agents de convoitise, qui rôdent la nuit, comme des loups, prêts à saisir l’agneau isolé, mais prompts à se sauver devant les grognements du mâtin. On ne saurait s’exprimer en termes assez sévères sur ces misérables, qui, dans aucun cas, n’ont montré une étincelle solitaire du véritable esprit de liberté ; s’humiliant toujours devant l’autorité quand elle a voulu faire acte de pouvoir, et la bravant avec audace quand leur nombre les préservait de tout danger.

Le vieux Susquesus avait été tranquille spectateur de tout ce qui s’était passé. Il connaissait la nature de la querelle, et comprenait tout ce qui avait rapport au mouvement anti-rentiste. Dès que l’ordre fut rétabli sous le portique, il se leva encore une fois pour s’adresser à ses hôtes.

— Mes enfants dit-il solennellement, vous entendez ma voix pour la dernière fois. Le rossignol lui-même ne peut chanter toujours. Les ailes de l’aigle se fatiguent enfin. Je cesserai bientôt de parler. Lorsque j’atteindrai les heureuses terres de chasse des Onondagoes, je raconterai votre visite aux guerriers que j’y rencontrerai. Vos pères sauront que leurs fils aiment la justice. Que les Faces-Pâles signent des papiers, et s’en moquent ensuite. La promesse d’un homme rouge est sa loi. S’il est fait prisonnier, et que ses vainqueurs veuillent le torturer, ils sont trop généreux pour le faire sans le laisser retourner à sa tribu pour prendre congé de ses amis. Quand le temps est accompli, il revient. S’il