Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/360

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— Mais pourquoi ne pas l’épouser vous-même ? demandai-je des hommes plus âgés que vous se marient tous les jours.

— Oui sans doute, des veufs, j’en conviens ; ceux-là se marieraient jusqu’à l’âge de mille ans ; mais il n’en est pas de même de nous autres vieux garçons. Qu’un célibataire passe la quarantaine, et il ne deviendra pas aisé de le décider au sacrifice. La présence de Jack Dunning ici est un coup de fortune, et je l’ai mis à l’œuvre pour rédiger l’acte en faveur de la jeune personne dont je parle, sans aucun droit pour son futur époux, quel qu’il puisse être.

— C’est Mary Warren, s’écria ma sœur d’un ton joyeux.

Mon oncle sourit et tâcha de faire un mouvement négatif ; mais je ne puis dire qu’il réussit fort bien.

— C’est elle, c’est elle, c’est Mary Warren, ajouta Patt, en bondissant à travers la chambre comme une jeune biche, et en se jetant sur les genoux de son tuteur qu’elle couvrait de baisers, comme si elle n’était encore qu’une enfant. Oui, c’est Mary Warren, et l’oncle Ro est un délicieux vieillard, non un délicieux jeune homme, et s’il avait trente ans de moins, il n’aurait pas d’autre épouse que son héritière elle-même. Bon, cher, généreux oncle. C’est digne de son noble cœur avec ses mécomptes car je sais, Hughes, qu’il tenait beaucoup à te voir épouser Henriette.

— Et mon mariage avec Henriette ou mon non-mariage, qu’a-t-il de commun avec cette donation de cinquante mille dollars en faveur de mademoiselle Warren ? les jeunes personnes ne sont en aucune façon alliées, j’imagine ?

— Oh, tu sais comment s’arrangent de pareilles affaires, dit Patt riant et rougissant de ses allusions au mariage, même pour une autre. Mary Warren ne restera pas toujours Mary Warren.

Qui deviendra-t-elle donc ? demanda vivement mon oncle.

— Mais Patt était trop fidèle aux droits et aux priviléges de son sexe pour rien dire qui pût trahir son amie. Elle caressa les joues de son oncle, rougit davantage, me regarda d’un air significatif, puis détourna les yeux, comme si elle eût trahi un secret, et alla s’asseoir avec gravité, comme si le sujet était des plus sérieux.

— Mais, est-ce bien vrai ce que tu nous dis, Roger ? reprit ma grand’mère avec plus d’intérêt que je ne lui en aurais supposé en un pareil sujet. Ce projet de donation n’est-il pas une fiction ?