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dant quelques coups de ciseaux me vinrent en aide, et je ris de bon cœur en me contemplant en costume devant le miroir de Dunning. Nous sûmes respecter la loi qui interdisait le déguisement avec armes, en ne portant avec nous que la boîte à marchandise et mon harmonieux instrument.


CHAPITRE V.


Elle a des sourires inconnus à la terre, des sourires qui naissent pour disparaître et disparaissent pour renaître, qui vont et viennent en se jouant sans cesse, qui quand ils passent se cachent dans ses yeux.
Wordsworth.


Je fus de bonne heure costumé le lendemain matin. Je doute que ma mère elle-même m’eût reconnu si elle eut vécu assez longtemps pour voir les longs favoris qui décoraient mes joues, et pour me contempler dans ma contenance virile. J’allai dans la bibliothèque de Dunning, je retirai de sa cachette la petite vielle et me mis à jouer avec vivacité, et non sans talent, l’air de Saint Patrick au matin[1]. J’étais dans toute la Chaleur de l’exécution, lorsque la porte s’ouvrit et Barney allongea sa face osseuse, ouvrant une bouche aussi large qu’un cochon gelé.

— D’où diable sortez-vous ? demanda le nouveau laquais, les muscles de sa vaste ouverture passant d’un sourire à une grimace et d’une grimace à un sourire, vous êtes bien venu pour l’air ; mais comment vous trouvez-vous ici ?

— Che fiens de Halle en Preussen. Quel est fotre pays à fous ?

— Êtes-vous un juif ?

— Nein ! che être pon chredien. Foutez-vous afoir Yankee Toodle[2] ?

— Yankee ! Tonnerre ! vous éveillerez maître, et il sera fâché, sans quoi vous pourriez jouer cet air de matin à soir. Oh ! l’entendre ici, dans ma propre bibliothèque, et dire que la vieille Mande est à trois mille lieues d’ici !

  1. Air irkandais.
  2. Yankee doodle, air américain.