Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sen dit qu’il ne voit pas pourquoi il paierait une rente à M. Littlepage, plutôt qu’un Littlepage lui en payât une à lui.

— Je suis fâché de l’apprendre, car il y a une raison suffisante pour la première hypothèse, tandis qu’il n’y en a pas pour la seconde. Votre frère se sert de la terre de M. Littlepage, et c’est une raison pour qu’il lui paie une rente. Si c’était l’inverse, alors certainement M. Littlepage devrait payer une rente à votre frère.

— Mais par quelle raison MM. Littlepage seraient-ils de père en fils, de génération en génération, nos propriétaires, tandis que nous valons autant qu’eux ? Il est temps qu’il y ait quelque changement ; songez d’ailleurs que nous exploitons les moulins depuis tantôt quatre-vingts ans, mon grand-père ayant commencé l’établissement, et nous avons eu ces mêmes moulins pendant trois générations.

— Il est grand temps, en conséquence, Opportunité, qu’il se fasse quelque changement, répondit Mary avec un sourire malin.

— Oh ! vous êtes tellement intime avec Marthe Littlepage, que je ne tiens pas compte de ce que vous pensez ou dites ; mais la raison est la raison, après tout. Je n’ai pas le moindre reproche à faire au jeune Hughes Littlepage. Si la terre étrangère l’a gâté, comme cela est fort à craindre, dit-on, il n’en est pas moins un jeune homme fort agréable, et je ne puis dire que lui du moins se jugeât supérieur aux autres.

— Il me semble, reprit Mary, que personne de la famille ne mérite ce reproche.

— Eh bien, je suis stupéfaite de vous entendre dire cela, Mary Warren. À mon goût, Marthe Littlepage est aussi désagréable qu’elle peut l’être. Si la cause anti-rentiste n’avait personne de mieux qu’elle pour la combattre, elle triompherait bientôt.

— Puis-je vous demander, mademoiselle Newcome, quelle raison particulière vous avez pour penser ainsi ? demanda M. Warren, qui avait attaché ses regards sur Opportunité pendant qu’elle déblatérait avec un intérêt qui me semblait exagéré même, lorsque je considérais le caractère de l’accusatrice et le peu de valeur de ses observations.

— Je pense ainsi, monsieur Warren, parce que tout le monde le dit. Si Marthe Littlepage ne se croit pas meilleure que les autres, pourquoi n’agit-elle pas comme les autres ? Rien n’est assez bon pour elle, dans sa petite vanité.