Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/7

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Roger Littlepage ; mais on m’appelait toujours Hughes, tandis que, lui, il était connu parmi ses intimes par les différentes appelations de Roger, Ro et Hodge, selon que les circonstances avaient rendu l’intimité sentimentale, affectueuse ou virile. Ce bon oncle avait un système à lui pour faire tomber les écailles qui souvent obscurcissent les yeux américains, et pour nettoyer les taches de provincialisme qui altèrent la pureté du diamant républicain. Il avait assez vu déjà pour se convaincre que si « notre pays », comme l’appellent en toute occasion tous ceux qui appartiennent à notre bienheureuse nation, peut enseigner beaucoup de choses au vieux monde, il y avait aussi pour lui une possibilité, simplement une possibilité, ne l’oubliez pas, d’apprendre quelque petite chose. En conséquence, dans le but de procéder méthodiquement dans la série des connaissances, son avis était de commencer par l’alphabet, et puis de poursuivre jusqu’aux belles-lettres et aux mathématiques. Ceci mérite quelques explications.

La plupart des voyageurs américains débarquent en Angleterre, le pays le plus avancé en civilisation matérielle, puis ils vont en Italie et peut-être en Grèce, réservant l’Allemagne et les régions moins attractives du nord pour la fin du chapitre. Mon oncle avait, lui, pour théorie de suivre l’ordre des temps, et de commencer par les anciens pour finir par les modernes, quoique en adoptant cette règle il convînt que c’était un peu diminuer le plaisir des novices ; car un Américain nouvellement débarqué des plaines nouvelles du continent occidental, peut certainement, en Angleterre, jouir des souvenirs du passé, lesquels lui paraîtront nécessairement fades et insipides, après qu’il aura visité le temple de Neptune, le Colisée ou le Parthénon, ou ce qui en reste. C’est ainsi, je n’en doute pas, que j’ai perdu un grand nombre de jouissances, en commençant par le commencement, ou en commençant en Italie pour voyager vers le nord.

Tel avait été, cependant, notre itinéraire. Prenant terre à Livourne, nous avions parcouru la Péninsule en un an ; puis, traversant l’Espagne et la France jusqu’à Paris, nous gagnâmes Moscou et la Baltique, d’où nous nous dirigeâmes en Angleterre par Hambourg. Après avoir parcouru les Îles Britanniques, dont les antiquités me parurent insignifiantes et sans intérêt après avoir vu toutes celles qui étaient de beaucoup, plus antiques, nous revînmes à Paris, afin de faire de moi tout à fait un homme du