Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/71

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autour de laquelle se groupèrent toutes les personnes présentes. En même temps Sénèque, qui était trop plein de ses bonnes nouvelles, continua la discussion, pendant que montres, bagues, chaînes, broches et bracelets étaient examinés à la ronde.

— Oui, monsieur Warren, j’ose croire que nous sommes sur le point d’obtenir le développement complet de l’esprit de nos institutions, et qu’à l’avenir, il n’y aura plus de classes privilégiées, au moins dans l’État de New-York.

— Ce sera certainement un grand triomphe, Monsieur, répondit froidement le ministre. Jusqu’ici, ceux qui ont le plus défiguré la vérité et qui ont le plus contribué à répandre des mensonges flatteurs, ont obtenu en Amérique de fâcheux avantages.

Sénèque ne sembla pas trop satisfait de la réplique mais je jugeai, d’après sa manière, qu’il était accoutumé aux franchises de M. Warren.

— Je suppose que vous admettrez, Monsieur Warren, qu’il y a aujourd’hui parmi nous des classes privilégiées.

— Je suis prêt à l’avouer, monsieur ; c’est trop évident pour être contesté.

— Eh bien, je serais aise de vous les entendre signaler, afin que je puisse voir si nous sommes d’accord.

— Les démagogues forment une classe hautement privilégiée ; les rédacteurs de journaux forment une autre classe privilégiée, faisant à l’heure et à la journée des choses qui mettent au défi toute loi, toute justice, et violant avec une parfaite impunité les droits les plus sacrés de leurs concitoyens ; Le pouvoir de ces deux classes est énorme, et, comme dans tous les cas d’un pouvoir grand et irresponsable, toutes deux en abusent énormément.

— Eh bien, ce n’est pas là du tout ma manière de penser. Selon moi, les classes privilégiées dans ce pays sont vos patrons et vos propriétaires, les hommes qui ne sont pas contents d’une quantité raisonnable de terre, et qui désirent en posséder plus que le reste de leurs concitoyens.

— Je ne sache pas un seul privilége que possède au délà de tout autre citoyen un propriétaire quelconque ou un patron et de ces derniers, pour le dire en passant, il n’en existe plus un excepté de nom.

— Vous n’appelez pas un privilége de posséder toute la terre qui peut être comprise dans les limites d’une commune entière ? Je