Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

well l’occasion de se rendre à bord de l’autre bâtiment, et de remercier Dagget de ses bons offices.

— Comme de raison, vous ne pensez point à entrer dans le port, capitaine Dagget, dit notre héros ; je vous ai déjà causé un assez grand retard. Si je trouve les espars dont le pilote m’a parlé, je serai en mer au bout de quarante-huit heures, et nous nous rencontrerons dans quelques mois d’ici au large du cap Horn.

— Gar’ner, je vais vous dire la chose, répliqua le marin du Vineyard en passant le rhum à son confrère ; je suis un homme simple et je ne cherche point à faire du bruit, mais j’aime l’esprit de bonne confraternité. Nous ayons couru l’un et l’autre un grand danger, et nous avons échappé au naufrage ; quand on traverse ensemble de telles épreuves, je ne sais, mais il me serait pénible de vous laisser là tout d’un coup, jusqu’à l’occasion de vous revoir avec autant de bras et de jambes que moi-même ; voilà mon sentiment, Gar’ner, et je ne prétends pas décider qu’il soit le meilleur. – Servez-vous.

— C’est un bon sentiment, capitaine Dagget, mon cœur me dit que vous avez raison, et je vous remercie de cette marque d’amitié. Mais vous ne devez pas oublier qu’il y a dans ce monde des armateurs. J’aurai assez pour mon compte d’avoir affaire au mien, et il n’est pas nécessaire que vous ayez des difficultés avec les vôtres. Voilà une jolie brise qui vous pousserait en pleine mer, et en passant au midi des Bermudes, vous pouvez abréger votre route.

— Merci, merci, Gar’ner, je sais mon chemin, et je puis trouver les endroits où je vais, quoique je ne sois pas un grand navigateur. Je ne connais point l’usage du chronomètre ; mais quant à savoir la route entre le Vineyard et le cap Horn, il n’y a pas de capitaine de navire que je craigne à cet égard.

— J’ai peur, capitaine Dagget, que nous n’ayons tous les deux tourné le dos à la véritable route, en allant nous jeter ainsi du côté d’Hatteras. Je n’avais jamais vu cet endroit de ma vie, et je ne désire pas le revoir ! Un pareil endroit est aussi loin de la route d’un baleinier que Jupiter de Mars ou de Vénus.