Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/137

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lettre qui portait son propre nom dans un pli de sa robe avec tant d’adresse, que des yeux beaucoup plus exercés que ceux de son oncle y auraient été trompés. À peine eut-elle mis sa lettre en sûreté qu’elle présenta l’autre à son oncle.

— Lisez-la vous-même, Marie, dit ce dernier d’un ton plaintif. J’ai la vue si confuse que je n’y verrais pas pour lire.

« Rio Janeiro, province du Brésil, Amérique du Sud, 14 novembre 1819, commença la nièce.

— Rio Janeiro ! – interrompit l’oncle n’est pas dans le voisinage du cap Horn ?

— Non certainement, Monsieur, le Brésil est à l’est des Indes, et Rio Janeiro en est la capitale. C’est là que réside le roi de Portugal, et il y a résidé aussi longtemps que je puis me souvenir.

— Oui, oui, je l’avais oublié. Les côtes du Brésil, où vont nos baleiniers sont dans l’Atlantique. Mais pourquoi Gar’ner s’est-il rendu à Rio, à moins que ce ne fût pour dépenser de l’argent ?

— Nous le saurons bientôt, Monsieur, en lisant la lettre. Je vois qu’il y est question d’huile de spermaceti.

— D’huile ! et d’huile de spermaceti, dis-tu ? s’écria le diacre dont la physionomie s’illumina à l’instante. — Lis, Marie, ma bonne fille, lis la lettre aussi vite que tu pourras, lis-la au galop.

« Au diacre Israël Pratt. Cher monsieur, — continua Marie. — Les deux schooners ont fait voile de Beaufort, Caroline du Nord, comme je vous l’ai déjà annoncé dans une lettre que vous avez dû recevoir. Nous avons eu beau temps jusqu’à ce que nous fussions arrivés aux latitudes calmes, où nous nous sommes vus retenus environ une semaine. Le 18 octobre, nous entendîmes crier à bord cette heureuse nouvelle : Une trombe ! et nous nous trouvâmes dans le voisinage de baleines. Les deux schooners mirent leurs bateaux à la mer, et je fus bientôt à la poursuite d’un beau taureau de mer qui nous remorqua longtemps avant que je pusse lui donner mon coup de lance et lui faire cracher le sang. Le capitaine Dagget mit en avant quelques prétentions sur cet animal, parce que sa ligne s’était embarrassée dans la mâchoire de la baleine mais il a bientôt renoncé à ces prétentions et nous a aidés à remorquer la baleine jusqu’au vaisseau. Son harpon s’était