Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/235

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— Non pas contre nous, Gar’ner, non pas contre moi, du moins, répondit Dagget ; je tâcherai de retourner dans l’île, où j’essaierai d’aborder et de réparer les avaries de mon schooner. Voilà tout ce que je puis espérer.

— Cela causera un grand retard, capitaine Dagget, dit Roswell d’un ton de doute. Nous nous trouvons maintenant au milieu de la première grande masse de glace ; il peut être aussi facile de s’ouvrir une voie vers le nord que de reculer vers le sud.

— Je ne dis pas le contraire, mais je retourne dans l’île. Je ne vous demande pas de nous accompagner, Gar’ner. Après le dévouement que vous avez montré en nous attendant si longtemps, je ne saurais songer à rien de pareil. Si le vent tourne vraiment au nord-est, et je commence à le croire, en vingt-quatre heures j’aurai ramené le schooner dans la baie, et là je pourrai le mettre à l’ancre sous le banc de rochers où nous avions déposé nos barils. Dans une quinzaine de jours nous aurons bouché toutes ses voies d’eau, et nous tâcherons de vous suivre. Vous direz aux gens d’Oyster-Pond que nous arrivons, et ils en feront parvenir la nouvelle au Vineyard.

C’était s’adresser chez Roswell à un certain point d’honneur, et Dagget le savait très-bien. Généreux et déterminé, le jeune homme était plus sensible à l’appel indirect et silencieux qu’on lui adressait qu’il n’eût pu l’être à toute autre considération. L’idée d’abandonner un compagnon dans le danger, au milieu d’une mer comme celle où il se trouvait, l’arrachait au sentiment d’un devoir que, dans d’autres circonstances, il aurait regardé comme impératif. Le diacre, et encore plus Marie, l’appelaient au Nord, mais les périls des hommes du Vineyard semblaient l’enchaîner à leur sort.

— Voyons ce que la pompe nous dira maintenant, s’écria Roswell avec impatience. Peut-être aura-t-elle quelques bonnes nouvelles à nous donner.

— Il y a quelque chose d’encourageant dans ce que vous dites là, mais il est impossible d’espérer que le schooner puisse entreprendre un tel voyage sans qu’on répare ses avaries. Il me semble, Gar’ner, que ces montagnes se séparent dans ce mo-