Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque chose d’ironique ; mais il supporta cependant avec patience la réprimande que le diacre lui adressait, sans y faire aucune réponse.

Deux fois dans l’après-midi, le diacre Pratt se rendit de chez lui au cottage de la veuve White. De son côté, la veuve White traversa la route non moins souvent pour aller, exprimer son étonnement à la veuve Stone des nombreuses visites de l’homme riche. Lorsqu’il vint la seconde fois, il avait vu le bateau baleinier tourner l’extrémité de Shelter-Island, et, à l’aide d’une longue-vue, il venait d’apercevoir le docteur Sage. Le diacre se hâta aussitôt de retourner au cottage, ayant à dire à Dagget quelque chose qui ne pouvait souffrir de retard.

— Le bateau arrive, dit-il en s’asseyant, et le médecin sera bientôt ici. Avant que le docteur Sage vienne, j’ai à vous donner un conseil, Dagget. Trop parler pourrait vous agiter, surtout quand il s’agit d’affaires importantes, et vous pourriez donner une fausse idée de votre état, si votre pouls galopait et que le sang vous montât au visage pour avoir trop parlé.

— Je vous comprends, diacre ; mon secret est mon secret, et aucun médecin ne me l’arrachera, tant que je saurai ce que je dis. Et puis c’est le jour du Seigneur, ajouta le pharisien, et il ne convient pas de s’occuper ainsi d’intérêts temporels en un tel jour.

Le docteur Sage entra bientôt après. C’était un homme intelligent, fin et observateur. Il avait représenté au congrès le canton où il demeurait. Habile praticien, il eut bientôt reconnu l’état du matelot. Le diacre ne l’ayant pas quitté d’un instant, c’est à lui qu’il fit part de son opinion sur le malade, tandis qu’ils se rendaient à la demeure de M. Pratt.

— Ce pauvre homme touche à sa fin, dit le docteur froidement, et la médecine ne saurait lui faire aucun bien. Il peut vivre un mois, quoique je ne fusse point surpris d’apprendre sa mort dans une heure.

— Croyez-vous donc qu’il soit si près de mourir ? s’écria le diacre ; j’aurais espéré qu’il vivrait jusqu’à ce que le Lion de mer mît à la voile, et qu’un voyage le remettrait.