Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/280

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mandement avaient empêché Roswell de réfléchir beaucoup à ce qui venait de se passer, avant qu’il lui fût possible de se coucher pour prendre quelque repos. Alors le plus terrible des tableaux vint se dérouler devant lui, et il comprit tous les dangers auxquels il avait échappé, aussi bien que la miséricorde de la Providence.

Entouré de morts, on peut le dire, et doutant encore du sort des vivants, il était devenu lui-même plus humble, moins confiant dans l’avenir. La majesté et la puissance de Dieu prenaient dans son esprit une plus grande place, tandis que son opinion de lui-même devenait plus modeste. Il y avait cependant une image qui restait toujours la même dans sa pensée : c’était celle de Marie. S’il pensait à Dieu, il voyait les yeux de Marie levés vers le ciel ; s’il songeait à partir, le sourire de Marie l’encourageait ; s’il arrivait sain et sauf, les yeux baissés de Marie trahissaient toute la joie de son cœur. C’était au milieu de ces tableaux que Roswell s’endormit.

Quand on se leva le matin, il y avait encore plus de changement dans le temps. Un coup de vent avait amené des torrents de pluie. Le dégel était aussi complet que la gelée avait été excessive. Dans cette région, le temps est toujours extrême, et il passe de l’hiver au printemps aussi vite que de l’automne à l’hiver. Nous employons ces termes, printemps et automne, pour nous servir des expressions ordinaires ; mais dans le fait, ces deux saisons existent à peine dans les mers antarctiques. Ordinairement l’on passe de l’hiver à l’été, tel que l’été peut être.

Malgré le changement favorable du temps, Roswell, lorsqu’il sortit le lendemain matin, vit bien que l’été n’était pas encore venu. Il fallait que plusieurs semaines se passassent encore avant que la glace disparût de la baie et que même on pût mettre une chaloupe à la mer. Sous un rapport, les hommes qui se trouvaient encore dans l’île avaient gagné aux terribles pertes que venait de faire l’équipage de Dagget : les provisions des deux vaisseaux pourraient maintenant servir à un seul équipage, et Roswell, lorsqu’il vint à réfléchir aux circonstances, reconnut que la Pro-