Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marins commençaient à reparaître, ce qu’on regardait comme d’un bon augure.

Il y avait une partie lointaine de la côte qui était déjà couverte de ces animaux. Hélas ! cette vue n’excitait plus la cupidité dans le cœur des chasseurs de veaux marins. Ils ne pensaient plus au gain, mais tous leurs vœux se bornaient à sauver leurs vies et à reprendre l’humble place qu’ils avaient occupée jusque-là dans le monde avant ce funeste voyage.

Cette réapparition des veaux marins produisit une profonde impression sur Roswell Gardiner. Son esprit avait été de plus en plus porté à s’occuper de sujets religieux, et ses conversations avec Stimson étaient plus fréquentes qu’auparavant. Non pas que le patron pût offrir, sur des questions de cette nature, les lumières de la science, mais Roswell trouvait dans Stimson cette foi vive qui dissipe tous les doutes.

Jamais Stimson, pendant leurs épreuves, n’avait perdu courage. — Nous ne gèlerons, avait-il coutume de dire, et nous ne mourrons de faim, qui si telle est la volonté de Dieu et si Dieu le veut, croyez-le bien, mes amis ; ce sera pour notre bien. — Quant à Dagget, il paraissait ne plus penser au navire naufragé. Lorsqu’on lui dit que les veaux marins étaient revenus, ses yeux brillèrent, et sa physionomie trahit encore son ardente convoitise ; mais ce n’était plus cependant qu’une lueur de cette passion autrefois si violente, lueur qui s’éteignait dans la nuit dont les ténèbres s’étendaient déjà sur celles de ses idées qui appartenaient encore à ce monde.

— Il est malheureux, Gar’ner, dit Dagget, que nous n’ayons pas de vaisseau prêt à recevoir une autre cargaison à cette première époque de la saison, on pourrait remplir un grand vaisseau !

— Capitaine Dagget, lui répondit Roswell, nous ayons d’autres affaires dont il faut d’abord nous occuper. Si nous réussissons à quitter l’île et à retourner sains et saufs auprès de ceux qui doivent nous pleurer comme morts, nous aurons grande raison de remercier Dieu.

— Quelques peaux de plus, Gar’ner, ne feraient point de mal, même à un navire amoindri.