Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/32

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taires à ce sujet. La cause immédiate de la mort fut la suffocation déterminée par la suppuration, comme cela arrive souvent dans le dernier degré de l’étisie.

Il y aurait de l’injustice envers M. Pratt à prétendre que cette mort subite ne produisit aucun effet sur ses sentiments. Dans les premiers moments, il pensa à son âge, à l’avenir qu’il avait devant les yeux. Pendant une demi-heure, ces réflexions l’agitèrent ; mais Mammon reprit peu à peu son empire, et les images pénibles s’effacèrent devant d’autres qu’il trouva plus agréables. Puis il songea sérieusement à ce qu’exigeaient les circonstances.

Comme il n’y avait rien d’extraordinaire dans la mort de Dagget, on n’eut pas besoin du coroner. C’était une mort naturelle, quoique subite. Il n’y avait donc plus qu’à donner les ordres nécessaires pour l’enterrement et à conserver soigneusement les effets du défunt.

Le diacre fit donc transporter, chez lui la valise de Dagget, après avoir retiré la clef de la poche de sa veste, et il donna les ordres nécessaires pour l’enterrement.

Le diacre passa encore une demi-heure sérieuse et pénible, lorsqu’il vit le cadavre. Elle était là, étendue, cette enveloppe insensible, abandonnée par son hôte immortel, et complètement indifférente au sujet qui les avait tant occupés tous les deux. On aurait dit que la physionomie du mort exprimait le sentiment de la vanité de tous les projets terrestres de richesses et de bonheur. L’empreinte de l’éternité semblait gravée sur ces traits flétris et décolorés. Quand tout l’or des Indes aurait été à sa portée, Dagget n’aurait pu étendre le bras pour y toucher.

Quel commentaire plus frappant sur la vanité des choses humaines pouvait s’offrir aux méditations du diacre ? Formaliste en fait de religion, il s’était montré irréprochable dans ce qu’on pourrait appeler l’extérieur de la piété. Il est vrai qu’il n’avait jamais pris le nom de Dieu en vain pendant tout le cours de sa vie, mais il s’était abstenu d’un si grand péché plutôt parce qu’il avait appris, dans sa jeunesse à l’éviter, et parce que ses voisins auraient été choqués de le lui voir commettre, que parce qu’il éprouvait un profond respect pour son Créateur. Il avait