Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/6

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-mêmes, et que cette triste erreur nous empêche de sentir notre propre insignifiance comparée à la majesté de Dieu.

Bien peu d’hommes s’élèvent assez haut dans la science humaine pour se rendre compte de tout ce qu’il leur reste à apprendre, et de tout ce qu’ils ne peuvent jamais espérer de savoir. Nous entendons beaucoup parier d’esprits presque divins et des facultés transcendantes que nous possédons ; et tout cela peut nous paraître digne d’éloge, jusqu’à ce que nous nous comparions à celui qui l’a fait. Alors l’insignifiance complète de la puissance humaine devient trop évidente pour valoir même la peine qu’on la signale. Nous savons que nous sommes nés et que nous mourrons ; la science a pu saisir les phénomènes de ces deux grands faits naturels, mais non pas ceux plus importants qui nous diraient ce que c’est que la vie et ce que c’est que la mort. Quelque chose que nous ne pouvons comprendre se trouve comme à la racine de chaque phénomène naturel. « Tu iras jusque-là et pas plus loin, » cette phrase semble gravée sur tous les grands faits de la création. Dans les conquêtes de notre intelligence nous arrivons toujours à un point où se présente un mystère que l’esprit humain ne peut pénétrer. Ce point peut se trouver plus éloigné pour quelques intelligences que pour d’autres ; mais il existe pour toutes, arrête toutes les conjectures, ferme tous les horizons.

Nous n’ignorons pas que les plus savants de ceux qui contestent la divinité de Jésus-Christ croient pouvoir se fonder sur l’autorité écrite, qu’ils allèguent des erreurs de traduction et des contre-sens dont les anciens textes auraient été l’objet. Cependant nous sommes disposés à penser que les neuf dixièmes de ceux qui repoussent l’ancienne croyance et qui acceptent l’opinion nouvelle n’agissent guère ainsi qu’en raison de leur peu de penchant à croire ce qu’ils ne peuvent comprendre. Cet orgueil de la raison est une de nos faiblesses les plus artificieuses, et il faut le surveiller comme notre plus grand ennemi. Comme l’auguste symbole de la foi chrétienne, embrasse complètement et philosophiquement, comme il transforme tout le travail de notre pensée ! Nous disons philosophiquement, car il ne serait pas, possible de trouver une plus fidèle analyse de toute cette question que la grande et courte définition de la foi que présente saint Paul. C’est cette foi qui donne à l’Église un tel caractère dans ce monde. Elle place sous le même niveau les intelligences, les conditions, les buts et les moyens, elle offre le même encouragement, le même espoir à ceux qui ont été le moins favorisés dans ce monde et ceux qui l’ont été le plus.

C’est lorsque la santé ou les moyens ordinaires de succès nous abandonnent, que nous commençons à sentir combien nous sommes impuissants pour accomplir nos propres desseins, encore plus pour raisonner sur les mystères qui nous cachent notre commencement et notre fin. On dit souvent que les chefs les plus habiles à diriger les autres hommes ont le mieux senti leur insuffisance pour arriver leur but. Si jamais Napoléon, comme