Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiraient leurs conclusions avec la même partialité en leur faveur et les mêmes espérances que leurs rivaux.

Le vent augmenta graduellement, et l’on diminua la voilure des schooners. Quoique la marche des deux vaisseaux devint beaucoup moins rapide, on crut qu’il valait mieux filer quelques nœuds que de s’arrêter, et, en définitive, les deux capitaines firent plus de chemin du côté du vent que s’ils avaient exécuté l’autre manœuvre.

Au bout de trois jours, Roswell Gardiner pensa qu’il se trouvait à la latitude du cap Henry, et à trente ou quarante lieues de terre. Il était plus facile de calculer le dernier que le premier de ces deux faits matériels. Le soleil ne s’était pas montré depuis que la tempête avait commencé, et, pendant la moitié de la dernière journée, les deux vaisseaux s’étaient trouvés enveloppés dans le brouillard et la pluie. Une ou deux fois, ces vaisseaux furent sur le point de se séparer, la distance qui les séparait devenant si considérable qu’il semblait impossible, pour eux, de marcher ensemble ; puis les schooners changeaient de place par l’effet d’une manœuvre habile, et se rapprochaient beaucoup l’un de l’autre. Personne, en ce moment n’aurait pu dire d’une manière précise comment cela avait lieu, quoique la plupart de ceux qui se trouvaient à bord en comprissent les raisons. Les grains, la manière de gouverner les schooners, les courants, les remous, et tous les accidents de l’Océan contribuent à produire ces oscillations qui donnent à deux vaisseaux d’une égale rapidité et ayant la même voilure, l’apparence de qualités très-différentes. Pendant les nuits, les changements étaient plus grands, les schooners se trouvaient souvent à plusieurs lieues de distance, et l’on aurait pu croire qu’ils étaient complètement séparés. Mais Roswell Gardiner eut bientôt la conviction que le capitaine Dagget s’attachait à lui par calcul ; car toutes les fois que ce dernier se trouvait loin du Lion de Mer d’Oyster-Pond, il parvenait toujours à s’en rapprocher avant que le danger d’une séparation fût devenu inévitable.

Nos mariniers calculaient la distance où ils étaient de la terre, au moyen de la sonde. Si la côte d’Amérique n’a rien de sublime et de pittoresque, et s’il est impossible au voyageur de ne pas le