Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/112

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que tout nombre qui excédait quatre-vingt-dix se rapportait nécessairement à la longitude ; Bob n’avait jamais pu se graver cette explication si simple dans la mémoire. Que le Cratère fût par le cent vingtième degré de latitude, ou par le vingtième, c’était tout un pour lui. Comment espérer qu’avec une pareille tête, il pût donner à personne les indications nécessaires pour trouver le Cratère, si, contre toute attente, il était jamais en position de le faire ?

Et cependant, malgré son ignorance, peu de marins savaient mieux que Bob Betts reconnaître leur route par la seule inspection de l’Océan. Il était très au fait de l’usage de la boussole, sauf les variations auxquelles il n’entendait rien et l’on n’eût point trouvé d’artiste qui eût le coup d’œil plus juste, quand il s’agissait de juger de la couleur de l’eau. En plus d’une occasion, il avait annoncé que le bâtiment était dans un courant, au vent ou sous le vent, lorsque le fait avait échappé, non-seulement aux officiers du bord, mais même aux hydrographes qui avaient dressé les cartes. Le clapotis des eaux, l’aspect des herbes marines, tous les signes ordinaires de l’Océan, étaient pour lui autant d’indices qui ne le trompaient presque jamais. Aussi, autant y avait-il peu de probabilité qu’une fois éloigné du Récif, il pût en retrouver la route au moyen des observations et des cartes, autant y avait-il de chances pour qu’il pût y revenir dans un court délai à l’aide des autres ressources qui s’offrent au navigateur. C’était à cette dernière considération que se rattachait le faible espoir que Marc conservait encore de revoir son ami quand la tempête serait apaisée.

Depuis le moment de la disparition du capitaine Crutchely, Marc n’avait pas éprouvé d’angoisse pareille à celle qui le déchira quand il perdit de vue Bob et la Neshamony. Ce fut pour le coup qu’il se sentit seul, sans personne entre Dieu et lui avec qui il pût échanger ses pensées. Aussi, sous l’impression des sentiments religieux qui l’avaient toujours animé, tomba-t-il à genoux sur le roc pour soulager son âme par une ardente prière. Puis, fortifié par cet acte de dévotion, le jeune marin se releva