Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/114

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jardin présentait l’aspect le plus riant, et les hôtes nouveaux qu’il avait fallu y introduire n’avaient encore touché à rien. Notre jeune ami fit sa toilette du matin à l’un des étangs, ensuite il traversa la plaine, chassant devant lui son petit troupeau, afin de préserver ses plantations qu’un plus long séjour aurait pu compromettre. En approchant de l’entrée du Cratère, il vit que la mer s’était retirée ; et certain que ces pauvres bêtes sauraient bien se tirer d’affaire, il les mit dehors et rétablit la voile qui fermait l’entrée. Alors il chercha l’un des escaliers qu’il avait pratiqués, et il fut bientôt sur le Sommet.

Les vents alizés étaient revenus, bien que leur douce haleine se fît à peine sentir ; les pointes des récifs reparaissaient sur la surface de la mer ; le Rancocus était immobile sur son ancre ; rien de plus reposé ni de plus frais que le spectacle que la nature offrait à son réveil. Partout l’Océan était rentré dans son lit ; seulement les cavités où il ne se trouvait ordinairement que de l’eau de pluie en renfermaient une alors qui n’était pas aussi douce. Encore les torrents qui étaient tombés pendant la nuit avaient-ils déjà fait disparaître en partie cet inconvénient. Une quantité prodigieuse de poissons couvraient la surface de l’île, et Marc sentit qu’il était urgent de s’en débarrasser.

Les porcs et les poules semblaient avoir compris sa pensée, car déjà ils s’étaient mis à l’œuvre et faisaient le plus grand honneur à leur repas improvisé ; mais jamais les pauvres bêtes, malgré leur bonne volonté évidente, n’en seraient venues à bout. Aussi Marc, après avoir été prendre quelque nourriture à bord du Rancocus, revint-il au Cratère, et prenant une brouetté, il se mit à ramasser activement les poissons, car les laisser exposés pendant plusieurs heures au soleil des tropiques eût suffi pour infecter l’île de miasmes insupportables. Jamais de sa vie le jeune marin n’avait travaillé avec une pareille ardeur. Les poissons étaient jetés à mesure dans une tranchée qui avait déjà été pratiquée à cet effet, et ils étaient recouverts aussitôt d’une couche de cendres. Sentant la nécessité de l’occupation, tant pour s’étourdir que pour se préserver de la peste