Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/120

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assez de force pour porter le verre à ses lèvres, il y parvint néanmoins, et ce fut sans doute ce qui le sauva. Il est devenu de mode depuis quelques années de décrier le vin, probablement parce que c’est un don de la Providence dont on a étrangement abusé. Pour Marc Woolston, ce fut, suivant sa destination primitive, un bienfait au lieu d’un fléau. Une seule gorgée de cette liqueur généreuse produisit sur lui un effet magique. Il eut bientôt la force de remplir d’eau son verre, et il y versa le reste du flacon.

Son verre à la main, le malade essaya de traverser la cabine et d’arriver au lit qui était dans le cabinet en face. C’était pour lui un voyage qui lui prit plusieurs minutes, et qu’il fit en s’appuyant sur une chaise qu’il passait devant lui, et dans laquelle il fut obligé de s’asseoir à trois reprises différentes. Ranimé par une ou deux gorgées de son breuvage souverain, il arriva enfin au pied du lit qui avait été préparé pour Bob, mais dont le vieux matelot avait toujours refusé obstinément de se servir, par respect pour son officier. Ce fut donc dans des draps tout blancs qu’il put enfin s’étendre, après être resté si longtemps couché dans le même lit, qu’il avait trempé si souvent de sa sueur.

Ce changement seul amena les plus heureux effets. Après quelques instants de repos, Marc se traça un nouveau régime. Sans doute il ne fallait pas se fatiguer trop, mais il fallait en même temps ne négliger aucune précaution. Il avait mis tremper un biscuit dans un verre d’eau et de vin. Il en prit une bouchée, une seule, qu’il mâcha bien avant de l’avaler. C’était, à bien dire, le premier aliment que prenait le pauvre malade. La faim le sollicitait de revenir à la charge, mais ce n’eût pas été prudent, et cependant il était bien difficile de résister à la tentation, s’il ne donnait un autre cours à ses idées. Il se contenta de tremper ses lèvres au bord de verre, et essayant de se tenir sur ses jambes, il se traîna jusqu’au tiroir dans lequel le pauvre capitaine Crutchely mettait son linge. Il y prit une chemise, et d’un pas chancelant il sortit de la cabine.

Il avait placé lui-même à côté de la tente un grand baquet