Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/140

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lir. Jamais aucun navire ne s’aventurerait près du Cratère ; les brisants y mettaient bon ordre ; mais l’exemple même du Rancocus prouvait qu’il pouvait y en avoir qui suivissent cette direction. Marc ne se faisait pas illusion : il savait qu’il pouvait faire le guet trois cents jours de suite, et ne rien voir ; mais qu’importait, si, le trois cent et unième, il voyait réaliser toutes ses espérances !

Mais, dans cette première épreuve, le temps était loin de l’encourager à prolonger son excursion. Au moment où le Cratère commençait à sortir de l’eau, Marc pensa au contraire que jamais le ciel n’avait pris un aspect aussi lugubre. L’atmosphère embrasée avait une teinte rougeâtre qui l’alarmait, et il aurait voulu être dans son île pour faire rentrer son troupeau dans l’enceinte du Cratère. Tout annonçait une tempête, suivie d’une de ces inondations dont il avait eu déjà un exemple si terrible. Juste au moment où Brigitte passait entre les deux bouées, sa voile fouetta le mât. C’était un sinistre présage, puisque c’était l’annonce d’un changement de vent, changement qui, sous cette latitude, n’était que trop significatif. Marc était encore à deux milles du Récif, et le peu de vent qu’il faisait ne tarda pas à souffler de l’avant. Les oiseaux de mer semblaient inquiets et agités ; ils venaient voler par milliers autour du bateau, en décrivant un cercle de plus en plus rapproché, et en poussant des cris aigus. D’abord Marc attribua leur frayeur à cette circonstance que le bateau était quelque chose de nouveau pour eux ; mais il se rappela presque aussitôt que bien des fois il était passé sur son petit canot contre les rochers où ils séjournaient de préférence, sans qu’ils s’en fussent émus en aucune manière, et il fallut bien en conclure qu’il y avait quelque autre raison à cette agitation extraordinaire.

Le soleil se coucha au milieu des feux rougeâtres qui embrasaient l’horizon, et la Brigitte avait encore un mille à franchir pour arriver à l’île. Une nouvelle crainte s’empara du pauvre ermite. Si une tempête faisait sauter violemment le vent à l’ouest, ce qui n’était que trop probable dans les circonstances