Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/142

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pauvre ermite jeta instinctivement les yeux sur son Cratère, déjà si frais et si verdoyant, s’attendant à lui voir vomir des flammes. Mais tout était tranquille encore de ce côté ; ce n’était point là que, pour le moment, l’éruption avait lieu. Les vapeurs étaient si épaisses qu’elles formaient un voile devant ses yeux, en même temps qu’elles étouffaient sa respiration. Il y eut un moment où Marc crut qu’il allait être suffoqué ; mais un coup de vent vint balayer ces exhalaisons fétides et dégager l’atmosphère. Le vent était retourné dans ses anciens quartiers ; l’air était redevenu pur. Il était temps : Marc était convaincu qu’il n’aurait pu supporter dix minutes de plus une pareille oppression.

Maintenant il attendait impatiemment le jour. Chaque minute lui semblait un siècle. Mais enfin les signes précurseurs de la lumière commencèrent à paraître, et il s’avança sur le beaupré comme pour les voir de plus près. Il avait les yeux fixés vers l’orient, guettant chaque traînée de lumière à mesure qu’elle sillonnait le firmament, quand tout à coup il fut frappé du changement qui s’était opéré dans cette partie de l’Océan, et qui attestait éloquemment la violence des efforts que la terre avait faits dans ses convulsions. Des rochers nus apparaissaient là où Marc était sûr que, quelques heures auparavant, il n’y avait que de l’eau. La muraille de lave qui formait la limite du bassin, et qui ne s’élevait jamais que de quelques pouces au-dessus du niveau de la mer, atteignait une élévation qui, dans quelques endroits, n’allait pas à moins de dix à quinze pieds. Preuve évidente que cette secousse terrible avait soulevé une grande partie de la montagne de lave, et en avait modifié complètement l’aspect ! La nature venait de faire un nouvel effort, et, en un clin d’œil, en quelque sorte, des îles avaient été créées.

Marc n’eut pas plus tôt constaté ce fait prodigieux, qu’il courut à la poupe pour s’assurer des changements qui avaient pu survenir autour du Cratère. Il avait été soulevé en l’air, comme tous les rochers qui l’entouraient à plusieurs milles à la ronde, mais la surface n’avait éprouvé aucune altération. Le Récif, qui