Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/179

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avait nommé l’Escalier le ravin par lequel on montait à la plaine du flic. Les gissements avaient été observés avec soin ; et, à toute heure, la traversée était facile. Excellent marin d’eau douce, le nègre excellait à diriger un bateau, talent qu’il avait acquis sur les rives de la Delaware qu’il n’avait jamais quittées depuis son enfance. Au surplus, pour aller d’une île à l’autre, il eût presque suffi d’observer la direction du vent, qui est toujours la même, à moins de quelque bourrasque imprévue.

Marc fut ravi de voir comment la Neshamony se comportait. Bob lui détailla toutes les qualités de la pinasse, et il déclara qu’au besoin, il était prêt à partir avec elle pour l’un des continents. C’était une ressource précieuse pour leurs excursions, car elle était très-capable de tenir le large, même contre un coup de vent. La Brigitte, qui avait des prétentions beaucoup plus modestes, était restée amarrée dans l’Anse Mignonne. Est-il besoin de dire que, pendant la traversée, la conversation ne languit pas un seul instant ? Marc n’était jamais à bout de questions sur sa petite femme, sur sa santé, son teint, sa figure, ses craintes ou ses espérances. On établit néanmoins un quart, pour la forme et chacun eut son temps assigné pour dormir, sans que personne en profitât.

À peine le soleil venait de se lever que l’île Rancocus se montra à l’horizon. Ainsi, en dix heures, la Neshamony avait été assez bonne voilière pour franchir une distance de soixante-dix milles. L’île n’était plus qu’à dix lieues. On juge si Marc avait peine à contenir son impatience. Pour passer le temps, et aussi pour paraître avec tous ses avantages aux yeux de Brigitte, il donna quelques soins aux détails de sa toilette, qu’au surplus, il ne négligeait jamais. Nous avons déjà dit avec quelle régularité il se baignait tous les jours ; sa barbe aussi était faite chaque matin. On ne saurait croire à quel point les soins du corps rendent l’esprit libre et dispos. Marc l’avait éprouvé, et c’est peut-être ce qui avait contribué à lui faire paraître son isolement plus supportable. Seulement il avait laissé pousser ses cheveux, et il fut sur le point de demander à Bob de les lui couper ; mais