Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/211

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attendue qu’elle était, jeta la consternation dans la petite colonie. C’était toujours pour le Récif que Marc craignait le plus, et il ne s’y trouvait pour le moment que les négresses, sans personne même pour les diriger. Il est vrai que ces îles étaient si peu élevées que les Indiens ne pourraient les voir, tant qu’ils seraient sur leurs canots. Mais il y avait un autre sujet d’inquiétude. Il ne se passait jamais une semaine sans que l’une ou l’autre de ces femmes vînt au Pic apporter du lait et du beurre qui était excellent quand il était frais, mais qui, dans un pays aussi chaud, ne se conservait pas longtemps. Personne ne s’entendait mieux que Junon à diriger un bateau à la voile, et, comme toutes les personnes qui connaissent leur mérite, elle cherchait toutes les occasions de le montrer. Or, il y avait près de huit jours qu’on ne l’avait vue, et il était à craindre qu’elle ne fût en route dans le moment même. L’embarcation dont se servaient les négresses était la Didon, bateau parfaitement sûr dans les temps calmes, mais voilier, détestable : ce qui ajoutait aux chances de capture, si l’on venait à lui donner la chasse.

Ne pouvant résister à son impatience, Marc transporta au Pic le lieu des délibérations, afin de pouvoir surveiller lui-même ce qui se passait en pleine mer. Il s’y rendit aussitôt, et tout le monde le suivit, même les femmes et leurs enfants, à l’exception de Bigelow, de Peters et de Jones, qui placés aux batteries pour défendre au besoin l’entrée de l’Anse Mignonne, ne pouvaient pas quitter leur poste.

Tant que les colons étaient restés dans la plaine, ils n’avaient pas à craindre d’être aperçus d’aucun des points de l’Océan. Les sentinelles qui gardaient les caronades avaient pour consigne de rester cachées sous les arbres, d’où elles pouvaient tout voir sans risquer d’être vues. Mais sur le Pic découvert et si élevé, on était en vue de tous les côtés. Bob le savait mieux que personne, lui qui avait distingué Marc lorsque son attention avait été appelée sur ce point par la décharge des coups de fusil. Et combien de fois Marc lui-même n’avait-il pas reconnu Brigitte