Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/233

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conjectures, et résolut de conduire Waally dans une direction opposée, ayant quelques idées à lui propres relativement à la position du récif où le Rancocus s’était perdu.

Bill Brown était un homme intelligent pour la classe à laquelle il appartenait. Il connaissait la route tenue par la chaloupe, et avait des notions assez exactes sur les distances. Suivant ses calculs, le Récif ne pouvait être bien loin du Pic au nord, et en gravissant les montagnes de l’île Rancocus, il vit ou crut voir une terre dans cette partie de l’Océan. Il lui vint alors à l’idée qu’il devait y avoir sur le Récif quelques débris au moyen desquels il pourrait échapper aux mains de ses tyrans. Waally écouta avec une grande attention les conjectures et les réflexions que lui confia Brown, et toute la flotte prit la mer le lendemain, en quête de son trésor. Ayant trouvé aussitôt de la brise, ils furent bientôt en vue du Pic. Brown alors mit la barre au nord-est, manœuvre qui le porta, après vingt-quatre heures de fatigues, sous le vent du Récif. Cette découverte inattendue remplit Waally de joie et d’orgueil. Il n’y avait en ce lieu ni rochers à escalader, ni montagnes mystérieuses à redouter, ni aucun obstacle visible qui s’opposât à la conquête. Il était vrai aussi que le territoire qu’ils venaient de découvrir ne paraissait pas d’une grande valeur : un roc nu, beaucoup de vase et quelques herbes marines, tel était le fruit de leurs recherches ; mais ils espéraient mieux. C’était quelque chose pour des hommes dont les anciens domaines étaient tellement circonscrits et bordés par l’Océan, que de trouver un lieu propre à la fondation d’un nouvel empire. Brown fut consulté sur le parti à prendre, et ses conseils furent exactement suivis. Colomb était certainement un grand homme dans son temps, quand il était à la cour de Ferdinand et d’Isabelle ; mais Bill Brown ne lui cédait guère en crédit à la cour du sauvage Waally. Ses paroles étaient reçues comme autant de prophéties, son opinion était respectée comme un oracle.

Le brave Bill, qui n’ambitionnait de ses découvertes que l’acquisition de quelques pièces de bois, de fer, de cuivre et