Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/246

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du mal est dû plus à l’audacieuse activité de quelques meneurs, qu’aux dispositions des masses. Les Indiens préféraient le caractère de leur chef loyal et généreux, à la violence et aux exagérations du turbulent guerrier qui avait triomphé de son maître ; et, si une partie de la population avait aidé aux desseins de Waally, poussée peut-être par l’attrait du changement, les infortunés se repentaient bien maintenant de leur erreur, et appelaient de leurs vœux le retour de l’ancien ordre de choses. Il y avait une île, entre autres, qui pouvait être regardée comme le siège de l’autorité sur tout le Groupe. Ooroony y était né, il y avait longtemps vécu avec sa famille ; mais Waally avait réussi à l’en chasser, et il avait cherché à intimider un peuple qui le recevait pour chef avec répugnance. Si Ooroony pouvait rentrer en possession de cette île, c’en était assez pour rétablir l’équilibre entre les deux chefs, et la guerre pourrait alors recommencer avec des chances égales. Cette tentative pouvait se faire avec l’aide du schooner, et l’effet moral d’une pareille alliance serait sans doute d’assurer la suprématie d’Ooroony tant qu’il serait protégé par les colons du Récif.

S’il est un cas qui puisse nous montrer toute la vérité de cet axiome : — l’habileté fait l’autorité, — c’est bien celui que nous avons devant les yeux. Un petit bâtiment de moins de cent tonneaux avec un équipage de douze hommes, armé de trois pièces, était plus que suffisant pour replacer une dynastie à la tête d’un peuple, et pour en renverser une dont les partisans se comptaient par milliers. C’étaient les ressources de la civilisation qui donnaient au gouverneur cet ascendant, dont il était décidé à profiter avec modération. Il voulait avant tout éviter l’effusion du sang ; et lorsqu’il connut bien la situation des choses, il poursuivit sa tâche avec calme et prudence.

La première chose qu’il fit, fut de conduire le bâtiment à une portée de canon de la principale forteresse de Waally : c’était là que les chefs résidaient, ainsi qu’une centaine de ses partisans, drôles qui, par la terreur, asservissaient l’île à tous les caprices de leur maître. Cette forteresse, cette citadelle, comme on vou-