Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/265

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bliait pas qu’il existe de grandes vertus morales, qui sont la règle de la famille humaine, et qui ne peuvent être mises impunément de côté par les visionnaires.

Tout ce qui concernait la colonie devait être essentiellement pratique. Le gouverneur, qui avait trop bien examiné toutes les questions, pour être arrêté par aucune difficulté, avait son plan bien tracé. Aussi lorsque deux jeunes gens, versés dans la science du droit, lui témoignèrent le désir de l’accompagner, il n’hésita pas à les refuser. Le droit, en tant que science, est une étude dont l’utilité est incontestable, mais le gouverneur pensait avec raison que ses compagnons pouvaient vivre heureux longtemps encore sans être aussi savants. Un médecin vint aussi offrir ses services : Marc, qui se rappelait les querelles de son père et de son beau-père, pensa que c’était assez d’Heaton, et qu’il valait autant mourir par un système que par deux. La plus grande difficulté fut sous le rapport de la religion. La question de secte n’était pas aussi sérieusement débattue il y a un demi-siècle qu’à présent, pourtant elle était déjà sur le tapis. Il y avait à Bristol beaucoup de membres de l’église anglicane, et la famille dé Marc en faisait partie. Brigitte, elle, était presbytérienne, et la plus grande partie des nouveaux colons étaient ce qu’on appelle des quakers tièdes : c’est-à-dire des hommes peu attachés à leurs opinions, et peu rigides dans la pratique. Voici donc quel était l’embarras de Marc : un seul prêtre était bien suffisant pour toute la colonie ; mais un même prêtre ne serait point écouté de toutes les sectes ; de quelle secte fallait-il le choisir ? Le gouverneur désespérait de résoudre cette question, lorsqu’elle fut en quelque sorte tranchée naturellement. Parmi les parents de Heaton se trouvait un jeune homme, nommé Hornblower, qui avait été ordonné prêtre par le directeur White, et dont la santé réclamait un climat plus doux que celui sous lequel il vivait. Ce motif, mis en avant, ne trouva point d’opposition parmi les colons, et le prêtre fut reçu à bord, avec sa femme, sa sœur et ses deux enfants. Combien de fois nous voyons la réflexion dissiper les préjugés les plus enracinés !