Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/283

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promener dans des allées embaumées d’orangers, et de savourer à discrétion des fruits exquis !

Quant aux figues, aux melons, aux citrons, aux noix de cocos, il y en avait en quantité suffisante pour la population. La nouveauté séduisit pendant quelque temps les nouveaux venus, mais bientôt ils soupirèrent après les pommes et les pêches de leur pays : c’est que la pomme et la pêche, comme la pomme de terre, sont les dons de la nature qui fatiguent le moins notre goût. La pomme est dans les fruits ce que la pomme de terre est dans les légumes, et parmi les meilleurs produits de l’horticulture, la pêche (une bonne pêche, s’entend) occupe le premier rang ; son exquise saveur est sans rivale et ne produit jamais la moindre satiété. La pêche et le raisin, en tant que fruits, sont les deux dons les plus précieux que la Providence ait faits à l’homme.

Cette nuit-là, beaucoup d’émigrants retournèrent coucher à bord, la plupart pour la dernière fois. Vers dix heures du matin, Brown venant de l’est, aborda au Récif : il rapportait que Waally était parti, et bien parti, sans être tenté de regarder derrière lui. La question était de savoir si ce chef, après une course de quatre cents milles, pourrait retrouver la route de ses domaines ; car la moindre déviation pourrait avoir pour lui des conséquences funestes. Du reste, qu’importait aux colons ? Plus Waally trouverait d’obstacles, moins il serait tenté de renouveler sa visite, et la perte de quelques hommes dans cette retraite serait peut-être une leçon profitable pour les sauvages. Le gouverneur, après avoir entendu le rapport de Brown, décida qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la flotte ennemie, la leçon étant déjà suffisante, d’autant plus qu’il était peu probable que la colonie fût inquiétée de nouveau de ce côté.

Ce jour-là et le suivant, les colons s’occupèrent à débarquer leurs effets, consistant en meubles, outils et provisions de toutes sortes. Comme le gouverneur avait l’intention d’envoyer quarante familles au Pic, l’Abraham fut halé au quai, et les effets de ces familles, aussitôt descendus à terre, furent chargés sur le