Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et vous ne m’en avez rien dit, Brigitte ? reprit le gouverneur d’un ton de reproche.

— Pourquoi aurais-je été ajouter à vos autres tracas, mon cher ami ! vous en avez bien assez ; et d’ailleurs le remède n’est pas loin du mal maintenant. S’il faut tout vous dire, la Jeune Poule est chargée de ramener deux ministres, l’un presbytérien, l’autre méthodiste, si l’on en trouve qui consentent à venir. Je crois même que les Amis ne sont pas sans espoir de voir arriver un de leurs prédicateurs.

— N’y a-t-il pas une loi formelle qui interdit l’entrée de tout émigrant sans le consentement du gouverneur et du conseil ? demanda Marc d’un ton grave.

— Sans doute, mais il serait bien dur de signifier aux gens qu’ils ne peuvent pas adorer Dieu de la manière qui convient le mieux à leur conscience.

— De même qu’il n’y a qu’un Dieu, il me semble qu’il ne devrait y avoir qu’une manière de l’adorer.

— Est-ce qu’il est un seul sujet sur lequel les hommes soient tous de la même opinion, mon cher gouverneur ? Et puis, M. Hornblower a un grand défaut, surtout pour un ministre qui a le champ libre, et qui ne peut trouver de contradicteurs : c’est de déblatérer contre toutes les autres sectes.

— Jamais on ne doit déguiser la vérité, Brigitte, surtout dans un sujet aussi grave que la religion.

— D’accord, Marc, s’il était obligé d’en parler. Mais pourquoi, sans nécessité, aller heurter des préjugés qui ont leur côté respectable ? Il devrait réfléchir qu’il n’y a pas cinquante épiscopaux dans toute la colonie.

— C’est pour cela qu’il voudrait qu’ils le devinssent tous.

— Qu’il tâche d’en faire des chrétiens n’est-ce pas assez ?

La conversation roula encore quelque temps sur ce ton, puis on arriva sur la hauteur, où des incidents nouveaux et d’une toute autre nature ne tardèrent pas à absorber leur attention. À peine avaient-ils fait quelques pas que les yeux perçants de la petite fille aperçurent une voile, puis une seconde, puis une