Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/340

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soit pour aider aux travaux généraux. Ils vivaient en assez bonne intelligence avec les colons ; mais cependant était-il bien certain qu’ils ne broncheraient pas, quand ils verraient leurs chefs dans le parti opposé ? Ils avaient bien d’ailleurs quelques sujets de mécontentement. Les colons cherchaient à obtenir d’eux le plus de travail possible, en ne leur donnant que des babioles, dont les Indiens commençaient à soupçonner la véritable valeur. Tant qu’il n’y a pas un juste équilibre entre le travail et le salaire, la bonne entente ne peut s’établir entre le maître et le serviteur ; et quand il y a d’un côté oppression et abus de la force, il y a nécessairement de l’autre irritation et méfiance. Marc ne se faisait pas illusion : les dispositions de cette partie importante de ses forces disponibles étaient au moins douteuses, et c’était pour lui un sujet de grave préoccupation.

Le nombre des Kannakas, employés dans les divers établissements, était au moins de deux cents. Or, la colonie ne pouvait mettre en tout sur pied que trois cent soixante-trois combattants. On pouvait se trouver dans la nécessité de diriger sur un point donné la plus grande partie de cette armée ; mais laisser derrière soi une masse de cent à cent cinquante Kannakas au Récif, pendant que les troupes régulières se battraient avec l’ennemi, c’était une perspective qui ne flattait nullement le gouverneur. Il vit la nécessité de les concentrer dans un même lieu, et de les employer activement au service de la colonie. Cette tâche importante fut confiée à Bigelow, qui partit aussitôt pour le Récif avec les Kannakas qui se trouvaient à la Baie. Arrivé au Récif, il devait réunir le plus d’Indiens qu’il pourrait, les mettre à bord des huit ou dix embarcations qui pouvaient s’y trouver, et gagner le large avec cette petite flottille. C’était les occuper pendant vingt-quatre heures, et leur ôter tout moyen de communiquer avec Waally, dans le cas où il se présenterait devant le Récif.

En même temps, et pour éloigner les soupçons de défiance que cette conduite pouvait inspirer, il excepta de la mesure ceux des Kannakas qui faisaient partie de l’équipage de l’Anna,