Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/77

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vait y voguer sans crainte, pourvu qu’il ne sortit pas des limites qui étaient tracées par la muraille de lave.

Betts était grand amateur de pêche, et il eût passé des journées entières livré à ce paisible amusement, pourvu qu’il eût eu une quantité suffisante de tabac. Une de ses grandes consolations, dans son infortune, c’était l’immense provision qu’il en avait trouvée à bord. Tous les marins du Rancocus, à l’exception de Marc, faisaient usage du tabac, et pour un si long voyage chacun avait pris ses précautions. Dans cette occasion, il put donc se livrer tout à son aise à ses deux occupations favorites.

Ce que Marc aimait, lui, c’était la chasse ; mais son fusil lui était peu utile dans cette occasion : de tous les oiseaux qui fréquentaient ces parages, il n’en était pas un seul qu’à moins de famine extrême il fût possible de manger. Il se promena donc dans l’île, accompagné de la chèvre qui y avait été conduite par le nouveau passavant, et qui jouissait de sa liberté avec autant d’entrain que les canards. En la voyant cabrioler autour de lui, et le suivre partout, Marc se rappela involontairement les chèvres de Robinson puis, par une association d’idées toutes naturelles, les différentes relations de naufrages qu’il avait lues se présentèrent à son esprit, et il fut amené à comparer son sort à celui des malheureux qui avaient été obligés de séjourner plus ou moins longtemps dans des îles inhabitées.

Sur beaucoup de points cette comparaison lui était défavorable : d’abord, l’île était dépourvue de toute espèce de végétation ; il n’y avait ni arbres ni plantes d’aucune sorte. C’était une grande privation ; restait à savoir s’il y avait moyen d’y remédier, et si l’essai qu’il avait tenté réussirait. Il lui semblait que cette aridité, qui le désolait, n’aurait pas été si complète, si les débris du Cratère eussent contenu quelques substances productives. Il n’était pas assez versé dans la nouvelle branche de la chimie appliquée à l’agriculture, pour comprendre que l’adjonction de certains éléments pouvait vivifier des principes jusqu’alors latents. Et puis le Récif n’avait pas d’eau et, bien que pour le moment il tombât chaque jour une pluie bienfaisante, il ne