Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/126

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— Au diable soient ces jaquettes bleues ! s’écria Borroughcliffe en se tournant vers miss Plowden près de qui il se trouvait ; ils portent leurs figures de goudron dans les quatre coins du monde, et l’on ne sait où prendre des comparaisons pour leur parler. Qui diable aurait pensé que ce drôle aurait jamais fixé ses yeux couleur d’eau de mer sur le palais du roi Louis ?

Catherine l’entendit à peine. Ses yeux étaient attachés sur les prisonniers, et sa physionomie exprimait un mélange de doute, d’inquiétude et de confusion.

— Allons, allons, Borroughcliffe, dit le colonel Howard, ne faisons pas de contes à ces braves gens ; parlons-leur bon anglais, et que Dieu bénisse cette langue et le pays où elle a pris naissance ! Si ces hommes sont vraiment des marins de profession comme ils le paraissent, il n’y a pas besoin de leur dire qu’un cutter de dix pièces de canon est aussi spacieux et aussi commode qu’un palais.

— Et surtout un cutter anglais, mon cher hôte, dit le capitaine ; croyez-vous que je mesure l’espace et l’aisance avec un compas, comme si je voulais construire le temple de Salomon ? Tout ce que j’ai à dire, c’est que l’Alerte est un bâtiment de construction singulière et presque magique. Il ressemble à la tente du frère de la fée dans les Mille et une Nuits : il s’élargit ou se resserre suivant les occasions. Et maintenant je veux être pendu si je n’ai pas dit en sa faveur plus que son capitaine n’en dirait pour m’aider à faire une recrue, quand même il ne se trouverait pas dans les trois royaumes un jeune paysan qui voulut essayer comment un habit rouge irait sur ses larges épaules.

— Ce temps n’est pas encore arrivé ! s’écria le colonel, et à Dieu ne plaise qu’il arrive jamais, tant que notre souverain aura besoin d’un homme dans son armée pour la défense de ses droits ! Mais qu’en pensez-vous, mes amis ? Vous venez d’entendre ce que le capitaine vous a dit de l’Alerte ; or il ne vous a dit que la vérité, et vous avez su le comprendre. Voulez-vous servir à bord de ce cutter ? vous ferai-je verser un verre d’eau-de-vie, et donnerai-je cet argent à quelqu’un qui vous conduira sur ce bâtiment, et qui vous le remettra dès que vous serez enrôlés sous le pavillon du meilleur des rois ?

Catherine respirait à peine, tant elle examinait avec attention et intérêt les trois prisonniers ; elle crut voir en ce moment un