Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/14

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une vivacité qui annonçait une émotion mal dissimulée.

— À flot ! répéta Barnstable ; oui sans doute, le petit Ariel flotterait sur l’air. À ces mots, il se leva, et ôtant la casquette de cuir qu’il avait sur la tête, il rejeta en arrière les cheveux noirs qui flottaient sur son front bruni par le soleil, et regarda son petit schooner avec l’air de complaisance d’un marin fier du bâtiment qu’il monte. — Et cependant, monsieur Griffith, ce n’est pas une petite besogne que de rester sur une seule ancre dans un lieu comme celui-ci, et pendant une pareille soirée. Mais quels sont les ordres ?

— Mes ordres, répondit Griffith, sont d’avancer autant que je le pourrai ; ensuite de jeter le grappin ; après quoi vous prendrez M. Merry dans votre barque, et vous tâcherez de gagner le rivage.

— Le rivage ! répéta Barnstable ; appelez-vous rivage un rocher perpendiculaire de cent pieds de hauteur ?

— Nous ne disputerons pas sur les termes, dit Griffith en souriant ; mais il faut que vous vous arrangiez pour gagner la terre. Nous avons vu le signal, et nous savons que le pilote que nous attendons depuis si longtemps est prêt à se rendre à bord.

Barnstable secoua la tête d’un air grave en disant comme s’il se fût parlé à lui-même : — Voilà une singulière manière de naviguer ! D’abord nous entrons dans une baie inconnue, pleine de rochers, de bancs de sable et de bas-fonds, et c’est quand nous y sommes que nous allons, prendre un pilote. Mais comment le reconnaîtrai-je ?

— Merry vous donnera le mot d’ordre, et vous dira où vous devez le chercher. Je me rendrais moi-même à terre si mes instructions ne s’y opposaient. Si vous éprouvez quelques difficultés, faites lever trois rames en l’air, et je viendrai à votre aide. Trois rames en l’air et un coup de pistolet feront jouer ma mousqueterie, et le même signal, répété à bord de la chaloupe, fera tirer le canon de la frégate.

— Grand merci, grand merci, répondit Barnstable avec un air d’insouciance ; je crois que je pourrais suffire seul pour combattre tous les ennemis qu’il est probable que je rencontrerai sur cette côte déserte. Mais ce vieillard est fou ! à coup sûr je…

— Vous obéiriez à ses ordres s’il était ici, et vous voudrez bien maintenant obéir aux miens, dit Griffith d’un ton que contredisait l’expression amicale de ses yeux ; partez, et cherchez un petit