Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/140

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amené ce soir ici, je me flattais bien de ne retourner à ma frégate qu’avec vous.

— Si vous vous êtes livré à un pareil espoir, monsieur Griffith, vous ne pouvez m’en faire un reproche, car je ne vous ai ni dit ni fait dire un seul mot qui pût vous autoriser à croire, vous ou personne, que je consentirais à quitter mon oncle.

— Miss Howard ne m’accusera pas de présomption, j’espère, si je lui rappelle qu’il fut un temps où elle croyait pouvoir me confier le soin de sa personne et de son bonheur, où elle ne m’en jugeait pas indigne.

— Je pense toujours de même, monsieur Griffith ; mais vous avez raison de me rappeler mon ancienne faiblesse, car le souvenir de mon imprudence ne peut que me confirmer dans ma résolution actuelle.

— Ah ! miss Howard ! si j’ai voulu vous faire un reproche, si j’ai entendu me prévaloir de vos bontés passées, je consens que vous me bannissiez de votre cœur comme indigne d’une seule de vos pensées.

— Je vous absous de ces deux fautes plus aisément que je ne puis m’absoudre moi-même de folie et d’inconséquence. Mais depuis que nous ne nous sommes vus, il s’est passé bien des choses qui doivent m’empêcher d’agir à l’avenir d’une manière si inconsidérée. La première c’est que j’ai ajouté douze mois à mon âge et cent à mon expérience. Une autre, et c’est peut-être la plus importante, c’est qu’alors mon oncle était au milieu de ses parents et des amis de sa jeunesse, au lieu qu’ici il est étranger, isolé ; et quoiqu’il éprouve quelque consolation à occuper une demeure où ses ancêtres ont demeuré avant lui, il n’en sent pas moins sa solitude, et il n’y trouverait qu’une faible compensation des soins et de l’affection de celle qu’il a chérie depuis son enfance.

— Cependant il s’oppose aux désirs de votre cœur, Cécile, à moins qu’une folle vanité ne m’ait porté à croire ce dont je ne pourrais plus me désabuser sans perdre la raison ; vos opinions politiques ne sont pas moins contraires. Quel bonheur peuvent trouver à vivre ensemble deux personnes qui n’ont pas un sentiment en commun ?

— Nous en avons un qui nous est commun, monsieur Griffith, le plus puissant de tous, celui de l’affection. C’est un oncle plein de bonté et de tendresse, un tuteur indulgent, à moins qu’il ne