Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/149

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qu’une reine pourrait faire mieux que d’encourager dans leur déloyauté, par un sourire, les sujets d’un autre monarque, fût-il même son ennemi : Dieu seul sait si elle ne verra pas elle-même un jour l’esprit de rébellion s’introduire dans le sein de son propre peuple ; et l’appui donné à la révolte d’une autre nation sera alors pour elle un souvenir plein d’amertume.

— Oui, l’auguste Marie-Antoinette a daigné récompenser de son approbation les services que j’ai rendus à l’Amérique, et ce n’est pas ce dont je suis le moins glorieux, répondit le pilote avec un accent d’humilité qui contrastait avec l’orgueil qui brillait dans ses yeux et jusque dans son attitude. Mais ne hasardez pas un mot, pas une syllabe à son détriment, car vous ne connaissez pas celle que vous censurez. Elle est moins distinguée par sa naissance illustre et son rang élevé que par ses vertus et son amabilité. Elle est la première de son sexe dans toute l’Europe, fille d’un empereur, épouse du roi le plus puissant, idole de toute une nation qui est à ses pieds. Sa vie est autant au-dessus de tout reproche qu’elle serait à l’abri de tout châtiment en ce monde, s’il était possible qu’elle en méritât. La volonté de la Providence l’a placée hors de l’atteinte de toute infortune.

— L’a-t-elle placée au-dessus de toutes les erreurs et de toutes les faiblesses humaines, John ? Non, la reine la plus puissante n’en est pas plus à l’abri que le dernier de ses sujets, et la main de la Providence, qui ne distingue pas les rangs, peut s’appesantir sur l’une comme sur l’autre. Mais puisque, vous êtes si fier d’avoir eu la permission de baiser le bas de la robe de la reine de France, d’avoir été admis dans la compagnie des dames de sa cour, dites moi si vous en avez trouvé une seule qui ait osé vous dire la vérité, dont le cœur ait été sincèrement d’accord avec sa bouche ?

— Certainement aucune d’elles ne m’a adressé les reproches que je viens d’entendre sortir de la bouche d’Alix Dunscombe, après une séparation de six longues années.

— Si je vous ai parlé le langage de la vérité, John, ne l’en écoutez pas moins, quoique vous ne soyez pas habitué à l’entendre. Songez que celle qui a osé parler ainsi à un homme dont le nom est devenu terrible à tous ceux qui habitent sur nos côtes n’a pu y être portée par aucun autre motif que par l’intérêt qu’elle prend à votre bonheur éternel.