Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/203

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ce n’est pas un marin ! Dites-moi, s’il vous plaît, Monsieur, en quelle qualité serviez-vous sur ce navire ?

Le prisonnier jeta un regard en tremblant sur celui qui l’interrogeait, et en qui il s’attendait à reconnaître Griffith ; mais en voyant une figure qui lui était étrangère, il reprit un peu de confiance.

— Je ne m’y trouve que par hasard, répondit-il ; j’étais à bord de ce cutter lorsque l’officier qui le commandait résolut de vous attaquer, et il lui était impossible de me renvoyer à terre, ce que j’espère que vous n’hésiterez pas à faire, puisque votre conjecture que je n’étais pas du nombre des combattants…

— Est parfaitement vraie, n’est-ce pas ? J’en étais sûr ; cela est écrit sur votre front, et on le lirait sans télescope de la poupe à la proue du plus grand vaisseau. Cependant d’importantes raisons…

Il s’interrompit à un signe que lui fit Merry, et s’étant approché de lui, celui-ci lui dit à l’oreille avec vivacité :

— C’est M. Dillon, parent du colonel Howard. Je l’ai vu souvent courir des bordées autour de ma cousine Cécile.

— Dillon ! dit Barnstable en se frottant les mains de plaisir ; quoi ! Kit Dillon, à la figure allongée, ayant les yeux noirs et la peau à peu près de la même couleur ! La peur semble lui avoir un peu éclairci le teint ; mais en ce moment cette prise vaut vingt fois l’Alerte.

Ces réflexions étaient faites a voix basse, et à quelque distance du prisonnier. Il se rapproche alors de lui et lui adressa la parole

— La politique et mon devoir, Monsieur, lui dit-il, m’obligent à vous retenir quelque temps ; mais nous vous traiterons aussi bien que peuvent le faire des marins, afin d’alléger le poids de votre captivité.

Barnstable ne laissa pas à son prisonnier le temps de lui répondre, car l’ayant salué, il le quitta brusquement pour surveiller les travaux qui se faisaient à bord de ses deux bâtiments. On ne tarda pas à lui annoncer qu’ils étaient prêts à faire voile, et l’Ariel et sa prise, se rapprochant des côtes, s’avancèrent lentement vers la baie d’où l’Alerte était parti. Les soldats qui étaient encore sur les rochers ne doutèrent pas que les Anglais n’eussent remporté la victoire, et poussèrent de grands cris de joie. Barn-