Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/206

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bois situé autour de la maison en ruines dont il a déjà été question, ils ralentirent leur marche, et se permirent enfin de parler, quoique à voix basse.

— Nous nous sommes échappés à temps, dit Griffith ; j’aurais préféré endurer la captivité plutôt que d’occasionner une effusion de sang dans la demeure paisible du colonel Howard.

— Je voudrais, Monsieur, que vous eussiez été de cet avis quelques heures plus tôt, répondit le pilote d’un ton qui ajoutait une nouvelle sévérité à ce discours.

— Le désir que j’avais de savoir dans quelle situation se trouvait une famille à laquelle je prends un intérêt particulier, Monsieur, a pu me faire perdre de vue un instant mes devoirs, répondit Griffith avec une fierté évidemment combattue par le respect ; mais ce n’est le moment ni des regrets ni des reproches. Nous vous suivons pour une mission importante, et des actions vaudront mieux que toutes les apologies du monde. Quel est votre bon plaisir maintenant ?

— Je crains que notre entreprise ne soit avortée, répondit le pilote d’un air sombre. L’alarme va se répandre avec la lumière du jour ; on fera prendre les armes à la milice, et l’on pensera à tout autre chose qu’à une partie de chasse. Le bruit seul d’une descente bannit le sommeil à dix lieues des côtes dans cette île.

— Et vous y avez probablement passé vous-même quelques nuits agréables, les yeux ouverts, monsieur le pilote, dit le capitaine Manuel ; ces gens-là ont eu souvent la puce à l’oreille ; ils peuvent en remercier le Français Thurot, dans la vieille affaire de 1756, et notre diable entreprenant, le pirate écossais. Après tout, Thurot avec sa flotte n’a fait que le tourmenter un peu, et quelques croisières ont fini par lui mettre un éteignoir sur la tête, comme le bonnet d’un grenadier sur celle d’un enfant qui bat le tambour. Mais le brave Paul les a fait danser sur un autre air, et…

— Et je crois, Manuel, s’écria Griffith en l’interrompant avec précipitation, que vous danserez vous-même de bon cœur, sans avoir besoin de musique, après avoir échappé aux prisons d’Angleterre.

— Dites à ses gibets, répondit le capitaine ; car si une cour martiale ou une cour civile avait discuté la manière dont nous sommes entrés dans cette île, je crois que nous n’aurions pas été