Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/215

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Griffith, dit-il, et si nous n’eussions pas été enterrés ici comme des blaireaux, nous en aurions eu notre part, et nous aurions quelque droit à partager l’honneur de la victoire. Mais il n’est pas encore trop tard pour nous montrer sur le haut des rochers ; nous verrons probablement les bâtiments qui viennent de combattre, et nous établirons par là notre droit à une part de prise.

— La part de prise qui peut revenir de la capture d’un bâtiment de guerre n’est pas bien considérable, répondit Griffith, et il y aurait encore moins d’honneur si Barnstable avait eu son tillac encombré d’un nombre d’hommes inutiles.

— Inutiles ! répéta Manuel. Regardez-vous donc comme inutiles vingt-trois soldats d’élite bien exercés ? Examinez bien ces drôles, monsieur Griffith, et dites-moi si vous les croyez gens à encombrer un champ de bataille, n’importe que ce soit la rase campagne ou le pont d’un navire.

Griffith sourit et jeta un coup d’œil sur la troupe endormie, car lorsque le feu avait cessé, tous avaient fini par s’abandonner de nouveau aux douceurs du sommeil. Il admira effectivement les membres robustes de ces braves gens qu’on aurait pris pour autant d’athlètes. Ses regards se portèrent ensuite sur le faisceau formé par les armes à feu dont les tubes et les baïonnettes bien polies réfléchissaient les rayons du jour qui n’entraient dans cette chambre souterraine et obscure que par la porte, à cause des décombres qui obstruaient les fenêtres. Manuel suivait le mouvement des yeux de Griffith avec une satisfaction intérieure ; mais il eut la patience d’attendre qu’il répondît avant de lui adresser de nouveau la parole.

— Je sais que ce sont de braves gens, dit le lieutenant, et qu’on peut compter sur eux au besoin. Mais écoutez ! j’entends du bruit.

— Qui va là ? dit la sentinelle placée à deux pas de la chambre.

Manuel et Griffith se levèrent aussitôt, et restèrent un instant immobiles et en silence, prêtant l’oreille au moindre bruit qui pourrait leur apprendre ce qui avait alarmé le factionnaire.

— C’est sans doute le pilote, dit Griffith à l’oreille de Manuel.

À peine avait-il prononcé ces paroles qu’un cliquetis d’armes se fit entendre, et au même instant le corps de la sentinelle, tombant sur quelques marches de pierre qu’il fallait descendre pour entrer dans cette chambre, roula jusqu’à eux, ayant