Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/249

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— Je plains de toute mon âme, dit-il, les pauvres diables qui se sont laissé égarer par de mauvais conseils ou par de fausses idées de leurs devoirs ; mais étant pris dans cette île les armes à la main contre leur souverain légitime, il faut qu’on en fasse un exemple pour effrayer les autres. À moins qu’ils ne puissent faire leur paix avec le gouvernement, je crains qu’ils ne soient tous condamnés à mort.

— Qu’ils fassent donc leur paix avec Dieu ! car votre gouvernement n’a que peu de chose à faire pour régler le compte d’un homme qui a fini son quart dans ce monde.

— Mais en faisant leur paix avec ceux qui ont le pouvoir, il est possible que leur vie soit épargnée, dit le capitaine examinant l’effet que ces paroles produiraient sur le contre-maître.

— Il n’importe guère à quelle époque on décroche son hamac pour la dernière fois ; on sera de quart dans l’autre monde quand on ne le sera plus dans celui-ci. Mais voir l’Ariel tomber dans des mains ennemies, c’est un coup qu’il doit être impossible d’oublier, même quand on est rayé du contrôle de l’équipage des vivants. J’aimerais mieux recevoir vingt boulets dans ma vieille carcasse que de savoir qu’il en entrera un seul dans les planches du schooner.

— Après tout je puis me tromper, dit Borroughcliffe avec un air d’insouciance. Il peut se faire qu’au lieu de vous condamner à mort on se borne à vous donner à tous quelque vieux navire pour prison, et vous pourrez y passer le temps fort agréablement pendant dix ou quinze ans.

— Que me dites-vous ? s’écria Tom Coffin en tressaillant ; ne parlez-vous pas de prison dans un vieux navire ? Vous pouvez leur dire qu’il y a un homme dont ils peuvent épargner les rations en le fusillant, si bon leur semble, et cet homme, c’est Tom Coffin.

— On ne peut répondre des caprices du gouvernement. Aujourd’hui il peut faire fusiller une douzaine d’entre vous comme rebelles ; demain il lui plaira peut-être de considérer les autres comme prisonniers de guerre, et de les laisser pourrir dans une prison.

— Eh bien ! faites-lui savoir que je suis un rebelle, mon camarade, et vous ne ferez pas un mensonge ; un homme qui a combattu pour l’Amérique, depuis le temps de Manly dans la baie de