Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/271

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— J’ai entendu parler de cette pièce de canon, capitaine Barnstable, et il faut convenir qu’elle avait une belle portée, si le détroit dans ce temps-là avait la même largeur qu’aujourd’hui. Mais je vois quelque chose de plus dangereux qu’une douzaine des plus gros canons, fussent-ils à une demi-lieue de distance. Voyez-vous comme l’eau remplit déjà nos dalots ?

— Qu’importe ! elle a donné plus d’un bain à nos canons ; et cependant trouveriez-vous une fente ou une crevasse dans tout le bois de l’Ariel ; ne l’en ai-je pas garanti ?

— C’est ce que vous avez fait, et c’est ce que vous feriez encore si nous étions en pleine mer ; ce qui est tout ce qu’un homme doit désirer en ce monde pour s’y trouver à son aise, Mais quand nous serons hors de la portée de ces pétarades, nous serons affalés à la côte par ce maudit vent du nord-est ; et c’est ce que je crains plus que toute la poudre et tous les boulets que peut avoir l’Angleterre.

— Il ne faut pourtant pas trop mépriser les boulets, Tom. Tenez, les voilà qui ont trouvé leur chemin. Les entendez-vous siffler à nos oreilles ! Nous marchons bon train, maître Coffin, mais un boulet de trente-deux court plus vite que le meilleur vent.

Tom jeta un coup d’œil sur la batterie, qui venait de renouveler son feu avec une vivacité qui prouvait qu’on ne tirait plus au hasard.

— Ce n’est jamais la peine de se remuer pour éviter un boulet, dit-il, puisqu’ils sont tous destinés à arriver à leur but comme un vaisseau qui est chargé de croiser dans certaines latitudes. Mais quant aux vents, c’est autre chose ; ils ont été faits pour qu’un marin sache s’en défendre en déployant ou en carguant ses voiles suivant l’occasion. Or, ce promontoire au sud s’avance à trois lieues en mer ; le côté du nord est plein d’écueils et de bas-fonds, et à Dieu ne plaise que l’Ariel s’y trouve encore une fois engagé !

— Nous le ferons sortir de la baie, Tom-le-Long, s’écria Barnstable : nous aurons des bottes de trois lieues pour faire ce trajet.

— J’ai vu de plus longues bottes être trop courtes, répondit le contre-maître en secouant la tête. Une mer honteuse, une marée montante et une côte sous le vent, sont les trois fléaux de la navigation.

Le lieutenant allait lui répondre avec son ton de plaisanterie ordinaire quand il entendit le sifflement d’un boulet qui lui passa