Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/29

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monsieur Barnstable, et sortez de cette baie le plus promptement possible.

— Ah ! monsieur Griffith, vous ne me donnez pas cet ordre avec la moitié du plaisir que j’aurai à l’exécuter. Force de rames, enfants ! l’Ariel ne laissera pas ses os sur un lit si dur, si je puis l’empêcher.

Dès que le commandant du schooner eut prononcé ces mots d’une voix encourageante, ses rameurs y répondirent par de grandes acclamations, et l’Ariel s’éloignant rapidement de la chaloupe, disparut bientôt dans l’ombre épaisse que jetaient les rochers.

Pendant ce temps, les rameurs de la chaloupe ne restaient pas dans l’inaction, et réunissant leurs efforts pour presser leur esquif, moins bon marcheur que le schooner, ils arrivèrent en quelques minutes dans les eaux de la frégate. Pendant cet intervalle, le pilote, d’une voix qui avait perdu ce ton d’autorité et de fierté qui s’était fait remarquer pendant qu’il parlait à Barnstable ; pria Griffith de lui apprendre les noms de tous les officiers qui composaient l’équipage de la frégate.

Le lieutenant le satisfit, et lui dit ensuite : — Ce sont de braves ; gens, monsieur le pilote, des hommes d’honneur ; et quoique l’affaire dans laquelle vous êtes maintenant engagé puisse être un peu hasardeuse pour un Anglais, il n’y a parmi nous personne qui soit capable de vous trahir. Nous avons besoin de vos services, nous comptons sur votre bonne foi, et nous vous en offrons autant en échange.

— Et comment savez-vous que j’en ai besoin ? demanda le pilote d’un ton qui annonçait beaucoup de froideur et d indifférence sur ce sujet.

— Vraiment, quoique vous parliez assez bon anglais pour un Anglais[1], interrompit Griffith, cependant vous avez une petite prononciation gutturale que nous n’admettrions pas de l’autre côté de l’Atlantique.

— Qu’importe, où un homme soit né, et qu’importe son accent, dit le pilote avec froideur, pourvu qu’il fasse sont devoir bravement et de bonne foi ?

  1. Il y a dans les provinces éloignées de Londres, et à plus forte raison en Écosse, une prononciation vicieuse sur laquelle les Américains se fondent pour prétendre que l’anglais le plus pur se parle aux États-Unis : proposition qui évidemment fait rire les Anglais aux dépens des Américains.