Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/295

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silence aussi bien que celle de la rhétorique, dit Borroughcliffe. Il doit avoir appris en étudiant les lois qu’il est certaines affaires qu’il convient de conduire sub silentio. Mon latin vous fait sourire, miss Plowden ? En vérité, depuis que j’habite une ancienne demeure de moines, il me semble que ma petite érudition veut absolument se montrer. Cela vous fait rire encore plus fort ? Eh bien’ ! Je vous dirai que si j’ai parlé latin, c’est parce que je crois que le silence est un sujet de conversation auquel les dames prennent peu d’intérêt.

Catherine ne fit aucune attention à l’air un peu piqué avec lequel le capitaine venait de lui parler, et elle finit par rire aux éclats. Il fut impossible à Cécile de prendre l’air de gravité sévère avec lequel elle réprimait quelquefois la gaieté étourdie de sa cousine quand elle croyait qu’elle s’y livrait hors de saison ; et les yeux de Griffith, qui se dirigeaient alternativement sur les trois dames, crurent distinguer sur les traits doux et paisibles de miss Dunscombe un léger sourire mal dissimulé. Cependant la gaieté de Catherine ne fut pas de longue durée, et elle dit au capitaine Borroughcliffe avec un air de gravité comique :

— Je crois avoir entendu parler de navires qui en conduisent un autre à la remorque ; mais, comme c’est une expression technique, il faut que je demande à M. Griffith si elle est correcte.

— Quand vous auriez fait une étude particulière des termes de marine, miss Plowden, vous n’auriez pu parler avec plus d’exactitude, répondit le jeune marin en jetant sur elle un regard qui la fit rougir jusqu’au front.

— Cette étude exige peut-être moins de réflexions que vous ne le pensez, Monsieur, répliqua-t-elle. Mais dites-moi, s’il vous plaît, cette remorque se fait-elle ordinairement comme le disait monsieur Borroughcliffe, pardon, capitaine, comme le disaient les moines, sub silentio ?

— Épargnez-moi, belle dame, s’écria le capitaine, et concluons un traité raisonnable. Vous me pardonnerez mon latin, et je réformerai en moi-même mes soupçons.

— Vos soupçons, Monsieur ? c’est ce que toute femme doit braver.

— Et jamais soldat ne doit refuser un défi. Ainsi donc il faut que je parle bon anglais, quand même j’aurais autour de moi tous les Pères de l’Église ; et je dis que je soupçonne miss Plowden