Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/320

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paraît oublier que son devoir est de présider à la table, je vais me rendre dans la salle à manger.

Catherine se leva avec un air de fierté, traversa la galerie d’un pas ferme, et arriva dans la salle où le colonel et le capitaine se trouvaient déjà avec miss Dunscombe. Cécile avait suivi sa cousine en silence ; on se mit à table sur-le-champ, et chacun prit sa place accoutumée.

Les premières minutes se passèrent dans le silence, et il ne fut question que de ces petits actes de politesse qu’exige l’usage. Catherine, qui avait réussi à recouvrer son sang-froid, profita de cet intervalle pour examiner avec attention l’air et les manières de son tuteur et de Borroughcliffe, et elle résolut de continuer cet examen jusqu’à l’heure où elle savait que Barnstable devait arriver.

Le colonel Howard était redevenu assez maître de lui-même pour ne plus laisser percer sa préoccupation, mais Catherine crut remarquer en lui en certains moments un air de confiance et de sécurité, avec quelque mélange de sévérité et de détermination, ce qu’elle avait appris dans sa première jeunesse à regarder comme un indice de l’indignation qu’il éprouvait lorsqu’il était justement courroucé.

Borroughcliffe était calme, poli, et faisait honneur au souper comme à son ordinaire ; mais, par une exception alarmante, il faisait une cour moins assidue à son flacon favori.

Le repas fut peu bruyant, peu gai ; on enleva la nappe, et les dames parurent disposées à rester plus longtemps que de coutume. Le colonel Howard ayant rempli le verre de miss Dunscombe et le sien, passa la bouteille au capitaine, et s’écria avec une sorte d’effort sur lui-même qui semblait avoir pour but de réveiller l’enjouement de ses convives :

— Allons, Borroughcliffe, les lèvres de rose de vos deux voisines seraient encore plus belles si elles étaient humectées de ce riche nectar, et si elles voulaient exprimer quelque sentiment loyal. Je sais que miss Dunscombe est toujours disposée à donner des preuves de sa fidélité à son souverain ; c’est donc en son nom que je propose la santé de Sa très-sacrée Majesté, et défaite et mort à tous les traîtres !

— Si les prières d’une humble sujette, d’une femme à qui son sexe ne permet pas de se mêler dans le tourbillon du monde, et