Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Qu’il entende vos voix, enfants, s’il ne peut vous voir tous, cria le pilote ; l’abbaye est à nous.

Le bruit d’une tempête aurait à peine égalé celui que produisirent les cris des hommes qui marchaient à sa suite. Leurs acclamations continuèrent sans interruption pendant quelques minutes, et devinrent si bruyantes que le toit de l’édifice semblait en trembler. À travers la porte entr’ouverte on voyait une masse de têtes qui ne pouvaient pénétrer dans l’appartement, les unes couvertes du bonnet de marin, les autres portant le chapeau de soldat de marine. Le capitaine Manuel eut bientôt reconnu ces derniers, et se faisant jour à travers la foule, il les rassembla, les forma régulièrement, et en plaça un détachement à chacun des postes que les soldats anglais gardaient quelques instants auparavant.

Pendant qu’il s’occupait de ces soins, la conversation continuait entre les chefs des deux partis. Jusqu’à ce moment le colonel Howard, par respect pour les principes de subordination militaire, avait laissé à Borroughcliffe toutes les fonctions du commandement ; mais voyant alors que les affaires changeaient entièrement de face, il crut pouvoir prendre le droit de questionner les gens qui se présentaient chez lui à main armée.

— Monsieur, dit-il en s’adressant au pilote qui était évidemment le chef des nouveaux venus, de quel droit osez-vous envahir ainsi le château d’un sujet de ce royaume ? En êtes-vous chargé par le lord lieutenant du comté ? Votre commission porte t-elle la signature du secrétaire d’état de Sa Majesté ayant le département de l’intérieur ?

— Je n’ai de commission de personne, répondit le pilote ; je ne suis qu’un simple citoyen combattant pour la liberté de l’Amérique. J’avais conduit ces messieurs dans le danger, et j’ai cru de mon devoir de les en tirer. À présent ils sont en sûreté, et tous ceux qui m’entendent n’ont d’ordres à recevoir que de M. Griffith, porteur d’une commission du congrès des États-Unis.

Après avoir parlé ainsi, il quitta la place qu’il avait occupée jusqu’alors au milieu de la salle, se retira dans un coin, et appuyé sur la boiserie qui garnissait la muraille, il resta spectateur silencieux de tout ce qui se passait.

— Il paraît donc que c’est à vous que je dois réitérer ma demande, fils dégénéré d’un noble père ? reprit le colonel en se