Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/368

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quoique je pense que vous auriez pu produire le même effet sans traiter l’os si rudement. Mais ne vous ai-je pas vu aussi donner un embrassement filial à cette bonne mère ?

— J’ai été renversé quelques minutes, à ce que je crois, répondit Manuel : la balle a marqué son chemin sur ma tête.

— Sur votre tête ! hum ! je vois qu’il est probable que la blessure ne sera pas mortelle. Eh bien ! je proposerai au premier pauvre diable que je rencontrerai qui n’aura qu’une bonne jambe, de la jouer contre la mienne en un coup de dés ; cela fera un mendiant et un gentilhomme. Donnez-moi votre main, Manuel ; nous avons bu ensemble, nous nous sommes battus, il n’y a plus rien qui nous empêche d’être amis jurés.

— Ma foi, répondit Manuel en continuant à se frotter la tête, je n’y vois pas d’objection insurmontable. Mais vous avez besoin d’un chirurgien. Puis-je faire quelque chose pour vous ? Encore un signal d’embarquement ! Sergent, faites partir la compagnie au pas redoublé ; laissez-moi seulement Dick ; je n’ai même besoin de personne.

— Ah ! mon cher ami ! s’écria Borroughcliffe, vous êtes ce que j’appelle un homme bien conditionné de pied en cap. Il n’y a pas un point faible dans toute votre forteresse ; un homme comme vous devrait être à la tête d’un corps tout entier au lieu d’une simple compagnie. Doucement, Drill, doucement ; maniez-moi avec la même délicatesse que si mon corps était de faïence. Je ne vous retiendrai pas plus longtemps, mon ami Manuel, car j’entends signal sur signal. Ils ont sans doute besoin d’une tête aussi solide que la vôtre pour présider à l’embarquement.

Manuel se serait peut-être offensé des allusions que faisait son nouvel ami à la solidité de son crâne, si ses facultés intellectuelles n’eussent été troublées par une sorte de bourdonnement partant de la région qui est le siège de la pensée. Il serra cordialement la main de Borroughcliffe, lui souhaita toute sorte de bonheur, et lui fit de nouvelles offres de service de la manière la plus amicale.

— Je vous en remercie de bon cœur, dit le capitaine anglais, et comme si je ne vous avais pas déjà l’obligation d’une saignée qui m’épargnera peut-être une attaque d’apoplexie. Mais Drill a fait partir un messager pour aller chercher un chirurgien à B…, et le drôle va peut-être mettre tout le dépôt à vos trousses. Partez