Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/406

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préféré le pays qui l’a vu naître à celui de ses ancêtres ; mais…

— C’est à quoi je ne pense plus, dit le colonel en l’interrompant. Après ce que j’ai vu aujourd’hui, je ne puis m’empêcher de croire que la volonté du ciel est que vous l’emportiez dans cette lutte. Mais, Monsieur, un officier inférieur qui manque à la subordination devient souvent un commandant déraisonnable, et la scène dont mes yeux ont été témoins à l’abbaye de Saint-Ruth, il y a si peu de temps…

— Oubliez-la, Monsieur, s’écria Griffith avec la chaleur d’une amitié généreuse, ou plutôt souvenez-vous que j’avais moi-même provoqué Barnstable par un ton de dureté qui n’était pas nécessaire. D’ailleurs il a noblement réparé cette faute par la manière dont il m’a secondé pendant toute cette journée. Je garantirais sur ma vie, Monsieur, qu’une femme ne pourra manquer d’être heureuse avec lui.

— En ce cas, je suis satisfait, dit le colonel en se laissant retomber sur le sofa ; faites-le venir ici.

L’ordre que Griffith fit donner à Barnstable de venir le trouver dans la cabane, fut si promptement exécuté, que le jeune lieutenant y arriva avant que son ami eût jugé à propos de troubler le cours des réflexions auxquelles le colonel paraissait se livrer. Lorsque Barnstable entra, le vieillard mourant fit encore un effort : pour se soulever, et lui adressa la parole à la grande surprise du jeune marin, mais d’un ton qui annonçait moins de confiance et de familiarité que celui qu’il avait pris avec Griffith.

— Les déclarations que vous avez faites la nuit dernière relativement à ma pupille, à la fille de feu le capitaine John Plowden, Monsieur, ne m’ont rien laissé à apprendre au sujet de ce que vous pouvez désirer. Messieurs, vous allez atteindre tous deux le but de vos espérances. Que ce digne ministre vous entende prononcer les vœux solennels du mariage, tandis qu’il me reste encore assez de forces pour les écouter, afin que je puisse rendre témoignage contre vous dans le ciel, si jamais vous y manquez.

— Pas à présent, mon oncle ! s’écria Cécile en sanglotant, pas à présent ! ne l’exigez pas !

Catherine ne dit rien ; mais, vivement touchée de l’intérêt que son tuteur prenait à elle à ses derniers moments, elle baissa la tête sur sa poitrine, et l’on voyait les larmes s’échapper abondamment de ses yeux.