Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/41

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à voix rauque. — Tout est prêt à l’arrière ! cria un troisième d’un autre côté. Et, un instant après, l’ordre fut donné de laisser tomber les voiles.

Les voiles, en tombant, privèrent le navire du peu de clarté qui venait encore du firmament ; circonstance qui, en paraissant rendre plus vive la lumière que procuraient les lanternes allumées sur le tillac, donnait un air encore plus sombre et plus lugubre à l’aspect de la mer et du ciel

Tout l’équipage de la frégate, à l’exception du commandant et du pilote, était alors sérieusement occupé à mettre le vaisseau sons voiles. Les mots, l’ancre est dérapée ! répétés en même temps par cinquante bouches, et les évolutions rapides du cabestan, annoncèrent l’arrivée de l’ancre à la surface de l’eau ; le bruit du froissement des cordages, du sifflement des poulies et des cris du contre-maître et de ses aides, aurait donné à cette scène un air de confusion et de désordre aux yeux de quiconque eût été étranger à la marine ; et cependant l’expérience et la discipline firent que le vaisseau eut toutes ses voiles déployées en moins de temps qu’il ne nous en a fallu pour décrire cette manœuvre.

Pendant quelques instants le résultat parut satisfaisant aux officiers ; car quoique les lourdes voiles restassent suspendues parallèlement aux mâts, les plus légères, attachées aux mâtereaux les plus élevés, s’enflaient d’une manière sensible, et la frégate commençait à céder à leur influence.

— Elle marche ! elle marche ! s’écria Griffith d’un ton joyeux ; ah ! fine commère ! elle a autant d’antipathie pour la terre qu’aucun des poissons qui sont dans l’Océan ! Il paraît qu’il y a un courant d’air là-haut, après tout.

— C’est la brise expirante, dit le pilote d’un ton bas, mais d’une manière si soudaine que ces mots prononcés presque à l’oreille de Griffith le firent tressaillir. Jeune homme, ajouta-t-il, oublions tout, si ce n’est le nombre de vies qui dépendent en ce moment de vos efforts et de mes connaissances.

— Si vous pouvez montrer la moitié autant de connaissances que je suis disposé à faire d’efforts, répondit Griffith sur le même ton, tout ira bien ; mais quels que soient vos sentiments, souvenez-vous que nous sommes près d’une côte ennemie, et que nous ne l’aimons pas assez pour désirer d’y laisser nos os.

Après cette courte explication, ils se séparèrent, le lieutenant